Vanishing Point

lundi 10 novembre 2008

Point Limite Zéro
Richard C. Sarafian, 1971


Pitch : un homme, que l'on ne connaîtra que sous le nom de Kowalski (Barry Newman), est chargé de transporter une rutilante Dodge blanche de Denver à San Francisco. Pour des raisons qui ne sont pas exposées, Kowalski se met en tête de faire ce trajet de 2000 km en une quinzaine d'heures. Lancé à pleine vitesse sur les interstates, il est rapidement pris en chasse par la police avec laquelle il va jouer à cache-cache pendant une grande partie du film.

Pendant ce temps-là, le dénommé Super Soul, un animateur de radio noir, déjanté et aveugle, écoute les fréquences de la police et fait partager à ses auditeurs (dont Kowalski lui-même) le récit de cette course-poursuite au travers de l'Utah, du Nevada et de la Californie. Kowalski devient petit à petit un héros pour tous les auditeurs et chacun se demande si il va finir par échapper aux policiers qui le pourchassent à moto, en voiture, en hélicoptère et même en tracto-pelles.

En plus d'être très agréable à regarder, bien filmé, bien joué, Vanishing Point est pour moi un pur road-movie fétichiste et existentialiste. Je m'explique.



Tout d'abord, sans aller chercher bien loin, nous sommes ici en face d'un road-movie, dans son acception la plus basique, et donc d'une éloge de la liberté et des grands espaces, par ailleurs superbement photographiés. Comme dans tous les road-movies que j'ai pu voir, le récit, aussi linéaire que les routes empruntées, est régulièrement marqué par des rencontres improbables qui sont comme autant de bornes kilométriques. Au cours de son périple, Kowalski va ainsi croiser un chasseur de serpents, une communauté hippie-chrétienne, un couple de gays psychopathes en voyage de noces, une fille nue à moto, des bikers sortis d'Easy Rider etc. Ces rencontres influencent très peu l'histoire mais insufflent une ambiance hippie foutraque qui a un vrai côté documentaire (nous sommes encore en pleine contestation flower power).

D'autre part, Vanishing Point est un film fortement fétichiste, centré sur deux thèmes : la voiture et la musique. La Dodge de Kowalski est un personnage à part entière et on ne compte plus les plans, gros plans, zooms sur cette voiture qui nous est montrée dans ses moindres détails et sous tous les angles. Cette passion fétichiste du réalisateur paraît tellement sincère (et donc touchante) que je n'ai pas été gêné par ces insistances, moi qui suis pourtant complètement réfractaire à l'apologie des grosse cylindrées (cf. l'ignoble franchise Taxi). Ensuite, via cet incroyable personnage de Super Soul, la bande-son du film a une importance primordiale : une grand attention est portée sur chaque chanson que ce DJ excentrique envoie sur les ondes.




























La Dodge de Vanishing Point.

















La même voiture dans les mêmes paysages dans Death Proof de Tarantino


Vanishing Point
est un de ces films qu'on dit culte. Je me méfie énormément de cette expression trop souvent galvaudée mais je pense qu'elle s'applique bien pour ce film. Le grand Quentin Tarantino le considère en tous cas comme tel. Son dernier film, Death Proof (Boulevard de la Mort), qui est encore plus référentiel que les précédents, cite Vanishing Point à tour de bras. La voiture fétiche est la même et, dans la 2e partie, les quatre héroïnes discutent sans fin sur le film - un peu comme les gangsters de Reservoir Dogs pouvaient débattre de Like a Virgin.

Enfin, Vanishing Point est pour moi une vraie réussite car ce film sait aller au-delà de ces aspects fétichistes - contrairement aux films de Tarntino justement, que je trouve tous largement surestimés et qui ne reposent que sur leurs aspects référentiels (les films de Tarantino en deviennent-ils des films post-modernes ? La question mérite d'être posée). Bref, Richard Sarafian prend ici soin d'épurer son film de toute explication, de toute intrigue accessoire, et en fin de compte, de tout message. Il touche ainsi une certaine pureté, et donc une certaine abstraction, et donc une certaine universalité. Kowalski avance très vite et sans raison apparente : alternativement, il évite les obstacles qui se présentent ou s'écrase dessus. Il se relève, réfléchit et repart, sans trop savoir pourquoi. Il est en fin de compte, tout bêtement, humainement, comme vous et moi, en recherche de sens.

Vanishing Point illustre donc tout simplement la quête existentialiste qui est celle de l'humain - et c'est ce qui rend ce film captivant, au-delà de son parti pris esthétique marquant.

Si il fallait jouer aux associations d'idées, je rapprocherais Vanishing Point de Zabriskie Point, de Sailor & Lula voire de la série K2000 (souvenez-vous du speech du générique : "un chevalier solitaire, un héros des temps modernes, sur sa monture etc" qui semble sorti mot pour mot de Vanishing Point). Enfin, je ne les ai pas (encore) vus, mais j'imagine que ce film s'apparente à Two-Lane Blacktop et, évidemment, Easy Rider.

Les improbables rencontres de Kowalski :


















Un chasseur de serpents









Un rescapé d'Easy Rider










Une fille nue à moto









Un groupe de rock chrétien hippie













Pour finir, un très beau plan, très bien composé, d'un flic très véreux.

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