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Séance de rattrapage

mardi 17 février 2009

A force de faire des billets-fleuves blindés de photos, j'accumule beaucoup de retard dans ma recension de films vus récemment - alors qu'au départ l'idée était juste de noter, brièvement (hum), quelques impressions. Je fais ici un essai de tir groupé de films qui m'inspirent moins.

The Visitor (Thomas McCarthy, 2008)
Walter, professeur d'université veuf et austère, fait la rencontre inopinée de Tarek, jeune réfugié syrien et joueur de djembé. Contres toutes attentes, le courant passe entre les deux hommes. J'ai eu un gros moment de panique au bout d'une demi-heure car The Visitor avait l'air de s'orienter vers un film d'apprentissage musical - orienté djembé. En fait non, le film devient sérieux, humain et intéressant lorsque Tarek commence à avoir des ennuis avec les services d'immigration.

Malgré un scénario assez convenu et un propos légèrement manichéen, The Visitor nous présente des personnages attachants et bien vivants. Je pense en particulier à la mère de Tarek, femme drapée d'une dignité très élégante mais non dénuée de sensualité. Dans le genre "film de clandestins qui galèrent à New York", j'avais toutefois préféré Once We Were Strangers (Emanuele Crialese, 1997) qui débordait de vitalité.


Ma Petite Entreprise (Pierre Jolivet, 1999)
Malgré des choix de carrière pas toujours très heureux (La Belle Histoire, L'Avion, L'Etudiante euh euh), j'aime bien Vincent Lindon, son air de chien battu, son côté lunaire et sa diction si particulière qui ressemble presque à du Woody Allen. On le retrouve ici dans le rôle d'un petit patron d'une entreprise de menuiserie qui va enchaîner les galères professionnelles, sentimentales et familiales.

J'ai vraiment apprécié le cadre dans lequel se déroule l'histoire, qui est une espèce de banlieue parisienne anonyme, sans histoire et sans charme, mais qui sonne très réelle. Ça change du parquet-moulure-cheminée des films d'auteurs, des cités qui font très cité ou de la province qui fait très province comme chez Chabrol.

Au-delà du cadre, Ma Petite Entreprise a une liberté narrative que je trouve assez rare, doublée d'une interprétation impeccable. François Berléand est parfait en assureur véreux et j'aime beaucoup Catherine Mouchet dans le rôle de la secrétaire enamourée. Avec son happy end artificiel, Ma Petite Entreprise devient presque une fable sur la solidarité et la débrouille : on pense alors à Frank Capra. Ces pieds nickelés de la combine foireuse sont très attachants et on est sincèrement content de les voir s'en sortir in fine. Un film réjouissant.



Go West / Ma vache et moi (Buster Keaton, 1925)
Je ne serai pas dithyrambique sur Go West comme j'ai pu l'être sur Steamboat Bill Jr. Je trouve que l'intrigue se met ici en place avec une certaine lourdeur : un jeune new-yorkais, inadapté à la vie citadine, décide d'aller tenter sa chance dans les grandes plaines de l'Ouest ("Go West, young man"). Évidemment, il va se révéler catastrophique dans son nouveau métier de cowboy. Les gags de la première demi-heure m'ont paru un peu lourds, un peu forcés. Le décalage permanent de Keaton avec le reste du monde va être ici illustré par la profonde amitié qui le lie à une vache (oui oui !), elle-même un peu exclue du troupeau. Les marginaux se rencontrent ...

Le morceau de bravoure final, constitué d'un débarquement de 5000 vaches dans les rues de San Francisco, est tout de même impressionnant et riche en images fortes (on retrouve cette scène dans l'immonde Australia tiens). D'un point de vue mise en scène, je garde également un bon souvenir de ce plan où Keaton, à qui l'on propose la main de la riche et belle héritière, s'avance vers elle pour finalement ... se jeter sur sa vache adorée. C'est joli mais c'est un peu trop n'importe quoi à mon sens : Keaton est vraiment TROP inadapté (trop à l'Ouest ah ah) pour qu'on s'identifie et qu'on s'attache à lui. Mais rappelons-le, ça reste malgré tout du grand grand cinéma.

Keaton avec la seule personne qui le comprend


Zéro de Conduite (Jean Vigo, 1934)
Quelle déception ... J'attendais tant de ce film vénéré par les cinéphiles, longtemps interdit par les censeurs, et qui donne son nom à la vedette qui relie le MK2 Quai de Seine au MK2 Quai de Loire. Peut-être le statut "mythique" de Jean Vigo, cinéaste anarchiste mort à 29 ans, contribue-t-il à sur-coter ce film. Je ne sais pas.

Quoiqu'il en soit, j'ai été très décontenancé par la forme de Zéro de Conduite : l'histoire que ce film raconte (des élèves pensionnaires se rebellent contre l'autorité des maîtres et des surveillants) est exposée de manière assez confuse, avec des scènes qui paraissent inutiles, d'autres absurdes, donnant une impression d'inachevé. Si il y a une poésie dans ce film, je suis complètement passé à côté. Globalement je n'ai rien compris à Zéro de Conduite, d'autant plus que sur la copie que j'ai vue, la bande-son était très mauvaise, rendant les dialogues inaudibles.

Il me reste toutefois une impression générale forte, celle d'une rage sincère, d'une envie d'en découdre et d'un violent coup de pied dans la fourmilière de l'establishment. Je garde aussi en mémoire ces beaux derniers plans des élèves sur les toits de l'école, vainqueurs enthousiastes et dérisoires, jetant sur l'autorité tout ce qui leur tombe sous la main. Bizarrement, cette représentation de l'anarchie me rappelle beaucoup les scènes de rébellion de Auch Zwerge Haben Klein Angefangen, ce film a-hu-ri-ssant de Werner Herzog sur une révolte de nains dans le désert du Mexique (celui-là pour le coup, je vous le recommande chaudement : absolument terrifiant et très émouvant, un film inoubliable).

Bon, plus que 32 films de retard.

Steamboat Bill Jr.

lundi 9 février 2009

Cadet d'eau douce
Charles Reisner & Buster Keaton, 1928


Pitch : après 10 ans d'éloignement, William Canfield (Buster Keaton), dit Steamboat Bill Jr, retrouve son rude gaillard de père qui est capitaine du ferry fluvial Steamboat. Au grand désespoir de ce dernier, notre héros, frêle jeune homme un peu poète, paraît complètement inadapté au métier viril de pilote de ferry que lui destine son père.

Qui plus est, Bill Jr est amoureux de Kitty King, la fille du concurrent détesté de la Steamboat Co. Le père a plus d'une fois envie de déshériter son fils voire de le jeter par dessus bord. Toutefois, après cette première mésentente et des débuts chaotiques, Bill va se montrer héroïque lors d'une tempête qui va ravager la petite ville fluviale dans laquelle se déroule notre histoire ...

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'agilité physique de notre héros. Comme Chaplin, Buster Keaton est venu au cinéma en passant par la case music-hall. Il est au départ un saltimbanque (sans la moindre connotation péjorative) et cela se voit à l'écran : son corps paraît élastique, il tombe sans se faire apparemment mal, grimpe tel Jackie Chan le long du ferry, se prend un nombre incalculable d'objets dans la figure (tous les cartons du camion par exemple) et finit toujours par se relever, comme insensible à la douleur.

Dans le pitch ci-dessus, j'ai utilisé le mot inadapté à escient. Comme chez Chaplin (toujours), le principal ressort comique nait du décalage. Buster Keaton n'est jamais au diapason de son entourage. En temps "normal", il est complètement perdu et maladroit : il ne sait pas exercer son métier de conducteur de ferry, il n'arrive pas à choisir un chapeau et il descend du mauvais côté du train. A contrario, dans des circonstances exceptionnelles, quand il s'agit de délivrer son père ou quand la tempête s'abat et que toute la population de la ville est complètement désemparée, lui seul garde son sang-froid et fait preuve d'une agilité sans égal. Buster Keaton est drôle car il est toujours à contre-courant de ses semblables.

Ce décalage permanent se prolonge également dans sa relation avec le spectateur : ce dernier "voit " souvent avant lui le danger qui se présente, la peau de banane sur laquelle il va glisser. En plus d'accentuer le côté comique, ce procédé apporte une forme de suspense et on passe son temps à se dire "Aïe aïe aïe, comment va-t-il s'en sortir ?". Et on applaudit à chaque fois car il s'en sort toujours le bougre !

Là, notre héros n'a pas vu le trou à sa droite. Nous oui.
Et évidemment il avance sans regarder => gag !


Le film se termine en apothéose par la séquence époustouflante de la tempête qui ne dure par moins de 12 minutes. Au sein de ce morceau de bravoure pendant lequel il est difficile de reprendre son souffle, tant les gags visuels les plus hallucinants s'enchainent sans le moindre temps mort, on trouve l'une des séquences les plus impressionnantes que je connaisse : la fameuse chute de la façade qui épargne miraculeusement notre héros (cf. images ci-dessous). Quant on pense que cette scène a été réalisée, en une prise, sans aucun trucage, on en tremble encore pour Buster Keaton..


Notre héros, imperturbable dans la tempête, ...
... n'a pas vu la maison derrière lui qui menace de s'effondrer


Même au bout de 15 visions, j'en tremble encore pour lui ...
... qui réalise à peine ce qu'il lui a failli lui arriver


Steamboat Bill Jr est un de ces films où j'ai spontanément applaudi (pour de vrai, tout seul devant ma télé) lorsqu'est arrivé le générique de fin. Bravo, bravo. Il y a dans ce bijou de cinéma une inventivité visuelle, comique et poétique, qui est franchement jubilatoire. Sans jamais tomber dans la mièvrerie, Steamboat Bill Jr réunit le rire et l'émotion avec une virtuosité dont je ne trouve l'équivalent que chez Charles Chaplin.

Qu'est devenu le cinéma burlesque de nos jours ? Quel acteur joue encore ainsi avec son corps ? Qui fait encore du splastick, des gags purement physiques et visuels ? Je ne sais pas, je cherche.

Sa fiancée l'attend en arrière-plan mais lui, comme souvent, ne l'a pas vue. Un plan magnifiquement composé dans lequel les personnages, par leur attitude corporelle, expriment une vraie émotion.