The Visitor (Thomas McCarthy, 2008)
Walter, professeur d'université veuf et austère, fait la rencontre inopinée de Tarek, jeune réfugié syrien et joueur de djembé. Contres toutes attentes, le courant passe entre les deux hommes. J'ai eu un gros moment de panique au bout d'une demi-heure car The Visitor avait l'air de s'orienter vers un film d'apprentissage musical - orienté djembé. En fait non, le film devient sérieux, humain et intéressant lorsque Tarek commence à avoir des ennuis avec les services d'immigration.
Malgré un scénario assez convenu et un propos légèrement manichéen, The Visitor nous présente des personnages attachants et bien vivants. Je pense en particulier à la mère de Tarek, femme drapée d'une dignité très élégante mais non dénuée de sensualité. Dans le genre "film de clandestins qui galèrent à New York", j'avais toutefois préféré Once We Were Strangers (Emanuele Crialese, 1997) qui débordait de vitalité.
Ma Petite Entreprise (Pierre Jolivet, 1999)
Malgré des choix de carrière pas toujours très heureux (La Belle Histoire, L'Avion, L'Etudiante euh euh), j'aime bien Vincent Lindon, son air de chien battu, son côté lunaire et sa diction si particulière qui ressemble presque à du Woody Allen. On le retrouve ici dans le rôle d'un petit patron d'une entreprise de menuiserie qui va enchaîner les galères professionnelles, sentimentales et familiales.
J'ai vraiment apprécié le cadre dans lequel se déroule l'histoire, qui est une espèce de banlieue parisienne anonyme, sans histoire et sans charme, mais qui sonne très réelle. Ça change du parquet-moulure-cheminée des films d'auteurs, des cités qui font très cité ou de la province qui fait très province comme chez Chabrol.
Au-delà du cadre, Ma Petite Entreprise a une liberté narrative que je trouve assez rare, doublée d'une interprétation impeccable. François Berléand est parfait en assureur véreux et j'aime beaucoup Catherine Mouchet dans le rôle de la secrétaire enamourée. Avec son happy end artificiel, Ma Petite Entreprise devient presque une fable sur la solidarité et la débrouille : on pense alors à Frank Capra. Ces pieds nickelés de la combine foireuse sont très attachants et on est sincèrement content de les voir s'en sortir in fine. Un film réjouissant.
Go West / Ma vache et moi (Buster Keaton, 1925)
Je ne serai pas dithyrambique sur Go West comme j'ai pu l'être sur Steamboat Bill Jr. Je trouve que l'intrigue se met ici en place avec une certaine lourdeur : un jeune new-yorkais, inadapté à la vie citadine, décide d'aller tenter sa chance dans les grandes plaines de l'Ouest ("Go West, young man"). Évidemment, il va se révéler catastrophique dans son nouveau métier de cowboy. Les gags de la première demi-heure m'ont paru un peu lourds, un peu forcés. Le décalage permanent de Keaton avec le reste du monde va être ici illustré par la profonde amitié qui le lie à une vache (oui oui !), elle-même un peu exclue du troupeau. Les marginaux se rencontrent ...
Le morceau de bravoure final, constitué d'un débarquement de 5000 vaches dans les rues de San Francisco, est tout de même impressionnant et riche en images fortes (on retrouve cette scène dans l'immonde Australia tiens). D'un point de vue mise en scène, je garde également un bon souvenir de ce plan où Keaton, à qui l'on propose la main de la riche et belle héritière, s'avance vers elle pour finalement ... se jeter sur sa vache adorée. C'est joli mais c'est un peu trop n'importe quoi à mon sens : Keaton est vraiment TROP inadapté (trop à l'Ouest ah ah) pour qu'on s'identifie et qu'on s'attache à lui. Mais rappelons-le, ça reste malgré tout du grand grand cinéma.
Zéro de Conduite (Jean Vigo, 1934)
Quelle déception ... J'attendais tant de ce film vénéré par les cinéphiles, longtemps interdit par les censeurs, et qui donne son nom à la vedette qui relie le MK2 Quai de Seine au MK2 Quai de Loire. Peut-être le statut "mythique" de Jean Vigo, cinéaste anarchiste mort à 29 ans, contribue-t-il à sur-coter ce film. Je ne sais pas.
Quoiqu'il en soit, j'ai été très décontenancé par la forme de Zéro de Conduite : l'histoire que ce film raconte (des élèves pensionnaires se rebellent contre l'autorité des maîtres et des surveillants) est exposée de manière assez confuse, avec des scènes qui paraissent inutiles, d'autres absurdes, donnant une impression d'inachevé. Si il y a une poésie dans ce film, je suis complètement passé à côté. Globalement je n'ai rien compris à Zéro de Conduite, d'autant plus que sur la copie que j'ai vue, la bande-son était très mauvaise, rendant les dialogues inaudibles.
Il me reste toutefois une impression générale forte, celle d'une rage sincère, d'une envie d'en découdre et d'un violent coup de pied dans la fourmilière de l'establishment. Je garde aussi en mémoire ces beaux derniers plans des élèves sur les toits de l'école, vainqueurs enthousiastes et dérisoires, jetant sur l'autorité tout ce qui leur tombe sous la main. Bizarrement, cette représentation de l'anarchie me rappelle beaucoup les scènes de rébellion de Auch Zwerge Haben Klein Angefangen, ce film a-hu-ri-ssant de Werner Herzog sur une révolte de nains dans le désert du Mexique (celui-là pour le coup, je vous le recommande chaudement : absolument terrifiant et très émouvant, un film inoubliable).
Bon, plus que 32 films de retard.
4 commentaires:
Manqué de temps ces dernières semaines pour lire ton blog, du coup, je l'ai rattrapé d'une traite. C'est de mieux en mieux : j'aime bien l'alternance de l'agenda ciné avec les critiques plus fouillées, tu tires ton épingle du jeu sur les deux formes, et tu introduis la musique en bande sonore de ton univers... c'est très juste.
L'écriture est de plus en plus fluide et personnelle, le propos de plus en plus fin et acéré: il y a du partage, de la générosité, de la culture et de la technique, tout est bien dosé.
Une vraie somme de boulot aussi, critiques complexes, épaisses, construites: ça bosse dur...
Bravo en tout cas pour le chemin accompli depuis la création de ce blog dont tu n'osais même pas parler: tu as véritablement créé ton espace, ton terrain d'expression et tu le délimites/agrandis davantage chaque fois que tu publies.
Tu parviens à parler du film ou de la musique sans parler de toi mais sans jamais parler d'autre chose non plus. Qu'importe ensuite qu'on aime ou pas comme toi le film, tu l'ouvres, ce film.
Voilà, j'espère que le nombre de lecteurs et de commentaires sait se montrer à la hauteur et si ce n'est pas le cas, tu t'en fiches: continue!
N./ > Merci merci pour ce long et élogieux commentaire.
J'en rougis.
Le genre de retours qui me donnent envie de continuer à m'arracher à faire des articles un peu fouillés, même si ça place place la barre haut pour les articles à venir.
je ne lis pas ton blog depuis longtemps, mais je ne me passe pas de faire des commentaires pour autant.
Tiens, j'ai vu ces films par exemple, et je suis plutot d'accord - sauf en ce qui concerne The Visitor, qui est une grosse daube.
Va savoir, ce film a marche partout dans le monde, et est maintenant une sorte de porte drapeau pour films simples, touchants, independants, avec des personnages pseudo subtils et hors cliches. Sous couvert de dire merde sans pretention aux grosses machines avec de gros moyens, je trouve que ce film s'est vraiment bien foutu de ma gueule. D'ailleurs j'ai arrete malgre Hiam Abbas (toujours juste et excellente partout ailleurs) - tout m'a exaspere, ce vieux rabougri, le faux rebeu sympa qui joue du tam tam, la copine qui vend des bijoux etc. Les personnages sont bien plus que caricaturaux, le message bien pensant vraiment indigeste, les dialogues bidons. Les bons films qui d'habitude se passent d'une vraie histoire ont au moins le merite d'essayer d'etre beaux et esthetiques, et ici ca n'est meme pas le cas. J'ai trouve ce film faible, renvoyant une image rassurante a tout le monde (les americains ne sont pas tous des connards au fond, et les musulmans sont des gens comme vous et moi). Bref grosse arnaque intellectuelle, pour pouvoir dormir tranquille.
Je suis completement passee a cote, je n'y ai vu aucun brin de poesie, et plus ce vieux tapait sur son djembe avec un air inspire, plus j'avais envie de le massacrer. Si ce film n'a pas ravi la palme du film le plus naze de 2008, c'est parce que je me suis aussi infligee Twilight (jusqu'au bout cette fois, c'etait tellement inepte, qu'au moins j'ai bien rigole).
Au plaisir de te lire ceci dit.
ladyluck > Merci de passer par ici et merci encore plus de me donner ton point de vue sur The Visitor
Tout à fait d'accord sur le côté agaçant des films américains dit indépendants, calibrés pour Sundance et qui ont créé une unanimité suspecte (comme tout unanimité) : Garden State en 2004, Little Miss Sunshine en 2006, Juno en 2007. Que des films un peu trop formatés et bien-pensants à mon goût, faussement cools.
The Visitor est à mon avis plus personnel, moins ambitieux et donc moins formaté que ces exemples-là et je trouve que l'appellation "grosse daube" est peut-être un peu injuste. Enfin, c'est une question de point de vue. Moi qui exècre le manichéisme bien-pensant, je n'ai pas été agacé par ces personnages, même s'ils sont un peu caricaturaux ainsi que tu le soulignes. Ils permettent de faire avancer une histoire plutôt originale et bien construite. Quant à la photographie, si elle ne m'a pas franchement impressionné, elle ne m'a pas non plus épouvanté. Bon et c'est vrai que le djembé ça gonfle au début, mais ça reste anecdotique dans le film. Je dirais donc au final que c'est un film moyen, avec un personnage (Hiam Abbas) très attachant qui surnage. Je n'ai pas eu pour ma part l'impression d'être pris pour un con.
Je note bien ton opinion sur Twilight ! Pas vu mais ça a l'air atroce effectivement.
Au plaisir de lire de nouveaux avis de ta part !
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