Les Biches (1968)
Dans son prologue, le film présente des éléments qui avaient tout pour me plaire : la rencontre d'une fille un peu perdue (Why, Jacqueline Sassard) avec une belle femme riche (Frédérique, Stéphane Audran), de lourds sous-entendus saphiques, une villa de bord de mer, des trajets en décapotable luxueuse, un temps qui semble suspendu, une oisiveté assumée. J'avais vu le nom de Jean-Louis Trintignant au générique et, en me frottant les mains d'avance, j'attendais son arrivée au milieu de ce duo de filles si troublant.
Malheureusement, avant l'intervention d'un des mes acteurs favoris, on doit supporter les clowneries de Riais et Robèque, les deux pique-assiettes qui parasitent la villa de Frédérique et tout le film par la même occasion. Je ne comprends pas ce qu'ils font là : j'ai rarement vu des types aussi peu drôles et exaspérants. Quelle idée, mais quelle idée, de les avoir inclus dans le scénario ! Chacune de leurs apparitions est un vrai calvaire, un test renouvelé de la maîtrise de nos nerfs. Ces deux connards finissent par disparaître une demi-heure avant la fin. Ouf ! Hélas, ce qui suit ne m'a pas franchement emballé : on retombe dans une espèce de drame psychologique qui tourne doucement, tout tout doucement, au thriller. Les personnages deviennent figés, silencieux, et la si belle tension érotique du prologue a complètement disparu. L'ennui guette et le mot Fin apporte une délivrance certaine.
Il reste tout de même de splendides images et une très belle interprétation. La scène de séduction entre Jean-Louis Trintignant et Stéphane Audran est prodigieuse. En plaçant cette scène dans une maison en construction, vide, sans fenêtre et sans meuble, Claude Chabrol obtient une forme de dépouillement très théatrale qui met parfaitement en valeur la justesse des acteurs et l'universalité du propos. Ce propos c'est les jeux de l'amour, bien sûr ! De son côté, Jacqueline Sassard, mi-ingénue, mi-psychopathe, mais totalement paumée, préfigure la Sandrine Bonnaire de La Cérémonie. Mais n'anticipons pas et avançons de 2 ans avec ...
Le Boucher (1970)
Stéphane Audran toujours. Saviez-vous qu'elle était la femme de Chabrol ? Ici elle joue une institutrice fraîchement arrivée dans un petit village très chabrolien justement où, le temps d'un mariage, tous les notables nous sont présentés. Parmi eux, nous trouvons Jean Yanne, le boucher, dont la bonhomie ne peut nous laisser deviner à quel point il a été marqué par la guerre d'Algérie. Au moment où nous pressentons les prémisses d'une histoire d'amour entre nos deux protagonistes, une série de meurtres sanglants met en émoi le village.
Un peu comme pour Les Biches, le film démarre fort bien : la présentation du cadre, des lieux et de l'intrigue est remarquable d'efficacité. Tout cela est introduit de manière subtile, sans effet appuyé, sans grosses pancartes fléchées. Je garde un très bon souvenir de ce long travelling lors de la scène inaugurale de mariage, travelling qui se termine par un zoom sur nos deux héros qui font gentiment connaissance. Mais plus tard, quand l'intrigue policière se met en place, j'ai l'impression que le rythme ne suit pas. Ça reste très lent, calme, presque dénué de vie. On ne ressent qu'une légère curiosité peut-être (est-il coupable ou pas ?) mais aucune tension.
En étant très sévère, j'aurais envie de dire à Chabrol : quand on n'a pas les moyens (éclairages, rythme, cadrage) de faire un thriller, on n'en fait pas. Je concède que ce propos est exagéré et prétentieux eu égard à ma méconnaissance relative de sa filmo. Mais autant je trouve que les réalisateurs français post-1960 excellent dans la comédie de mœurs douce-amère, autant ils peinent à me convaincre dans les films dits de suspense. Et ça reste vrai de nos jours : tous les Mais qui a tue Bambi ?, Harry un ami qui vous veut du bien, Lemming et autre La Sentinelle m'ont toujours laissé perplexe. Je trouve que les intrigues, fortes, avec des meurtres et tout, y sont traités de la même manière qu'on traiterait du marivaudage : sans tension, rythme ou image forte. Depuis l'antédiluvien Diaboliques de Clouzot, je suis incapable de nommer un thriller français digne de ce nom.
Bref, tout cela ne me convainc pas et Le Boucher m'a laissé un arrière-goût d'ennui, malgré l'interprétation parfaite de Stéphane Audran et Jean Yanne, et malgré tout le talent de Claude Chabrol dans sa description psychologique des petits notables de province.
Stéphane Audran et Jean Yanne
Main ensanglantée sur ciel bleu : un superbe plan
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