Le Signe du Lion

dimanche 13 juillet 2008

Eric Rohmer, 1959

Pitch : nous sommes à Paris, c'est l'été. Pierre (Jess Hahn), compositeur de musique, extravagant, un peu flambeur, moitié allemand, moitié américain, apprend qu'il va toucher un gros héritage. En prévision de cela, il emprunte de l'argent, organise des fêtes, brûle la chandelle par les deux bouts. Malheureusement, l'héritage n'arrive pas car un cousin oublié empoche en fin de compte tout ce qu'il pensait toucher. Pierre se retrouve très vite sans le sou, expulsé de son appartement.
Commence alors une longue errance dans un Paris écrasé par la chaleur. Ses amis le fuient et, petit à petit, il se retrouve SDF, à grapiller un bout de pain, à copiner avec les clochards du 6e. Et son cousin se tue dans un accident de voiture : le voilà milliardaire pour de vrai ! Mais il ne l'apprend pas tellement il est "hors la société", devenu un clown aviné, sale et répugnant. Et ça se termine comme un film de Capra : un ami finit par le reconnaître et lui apprend qu'il est le plus riche clodo de Paris ! Youpi !


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Le Signe du Lion est le premier long-métrage d'Eric Rohmer. Ce qui m'a frappé dans ce film, c'est que ça ne ressemble pas à du Rohmer. Il y a très peu de dialogue, surtout dans la période pendant laquelle on voit Pierre errer dans Paris. La ville devient un personnage à part entière. Le film acquiert alors un côté documentaire hautement inhabituel dans les films de Rohmer que j'ai déjà vus et qui me rappelle le très joli Cléo de 5 à 7 d'Agnès Varda.

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On a en fin de compte l'impression qu'Eric Rohmer fait une expérience, un peu comme dans les bouquins de Zola : "Je pose un homme de bonne famille, dans Paris, en été, sans le moindre argent. Comment va-t-il s'en sortir, concrètement ?". Le Signe du Lion devient alors un espèce de conte de la modernité, une métaphore de la solitude urbaine que nous connaissons tous peu ou prou. Qu'est-ce que la ville ? Qu'est-ce que vivre avec tous ces gens autour de nous que nous ne connaissons pas, ne connaîtrons jamais et qui se moquent autant de nous que nous nous moquons d'eux ?

A titre personnel, ces thèmes me touchent beaucoup, moi qui ai toujours été frappé par la fragilité (ou la précarité pour reprendre un mot à la mode) des liens sociaux dans une grande ville. Vous pouvez disparaître, personne ne s'en rendra compte. Un ou deux coups de fil non rendus et, hop, on ne vous appelle plus - le téléphone étant le seul fil qui lie les gens. Qui va encore frapper chez quelqu'un à l'improviste ?

Bref, ces thèmes essentiels sont décidément bien bien loin des préoccupations rohmeriennes habituelles, mais toutes aussi essentielles, à savoir le marivaudage, l'introspection, l'analyse permanente du ressenti, le combat entre "ce que j'ai envie de faire" et "ce qu'il faudrait que je fasse" - le vrai sujet étant dans la définition précise de ce faudrait.

fall

Le Signe du Lion est en fin de compte très intriguant, très intéressant dans l'originalité de son sujet, très bien filmé, très bien joué (Jess Hahn est absolument brillant) - à défaut d'être captivant. A bien y réfléchir, ça ressemble un peu à une thèse d'étudiant en sociologie. Je me demande si Gérard Jugnot l'a vu avant de réaliser Une Epoque Formidable, en 1991, qui traite, exactement et avec beaucoup moins de talent, du même sujet.

Au passage, j'ai noté des apparitions de plein de "people" de la Nouvelle Vague. Cf. ci-dessous :

blonde
Une toute jeune et toute belle Macha Méril

music
Jean-Luc Godard dans un rôle de casse-couilles qu'il ne devait avoir aucun mal à jouer

Young Stéphane Audran
Stéphane Audran, future muse (et femme) de Claude Chabrol

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