Lucio Fulci, 1969
Depuis que je m'intéresse aux films de genre, j'ai souvent entendu parler de Lucio Fulci (1927-1996), présenté comme le spécialiste ultime du film d'horreur italien, le successeur de Dario Argento, lui-même successeur de Mario Bava - deux réalisateurs que je porte aux nues maintenant que j'ai vu la grande majorité de leurs films (et dont il faut absolument que je parle bientôt sur ces pages, les innombrables chef-d'oeuvres d'Argento et Bava étant devenus pour moi des clés de voûte de ma culture cinématographique). Pour revenir à Fulci, mes réticences face à la violence trop explicite, trop gore, m'avaient toujours retenu d'aller m'intéresser de près à ses films. J'ai donc commencé allegro ma non troppo la filmo de Lucio, avec un giallo de 1969.
Alors, que trouve-t-on dans cet oeuvre précoce de Lucio Fulcio, avant qu'il ne bascule irrémédiablement dans le gore le plus sauvage ? Eh bien, du point de vue du scénario, nous avons ici affaire à un polar des plus classiques.
Pitch : dans un San Francisco très 60s, nous suivons les tribulations d'un jeune chirurgien ambitieux qui trompe sa femme. Celle-ci meurt subitement et inexplicablement. Effondré, notre héros échoue dans un bar à strip-tease dans lequel il tombe nez-à-nez avec une affriolante danseuse qui ressemble comme deux gouttes d'eau à se défunte femme. Intrigué, il la suit, la séduit et tente de se l'approprier - avant de se rendre compte qu'il n'était qu'un pion dans cette histoire.
Bon, évidemment, quand je vous dis "SAN FRANCISCO - STOP - FEMME BRUNE MORTE - STOP - RE-APPARITION EN BLONDE - STOP - HOMME QUI LA REMODELE A SA GUISE - STOP - COMPLOT - TERMINE", vous vous étranglez et criez d'une seule voix : VER-TI-GO ! Et oui, et oui, Perversion Story est sous perfusion hitchcockienne et assez vite on se demande comment Fulci va s'y prendre pour se détacher de cette écrasante influence.
Et bien, ce qui saute tout d'abord aux yeux est une différence générationnelle : entre Vertigo et Perversion Story, 10 ans se sont écoulés et une révolution sexuelle est passé par là. La Californie que nous montre Fulci est autrement plus sexy et dévergondée que la gentleman-attitude de James Stewart. Quoi que. J'ai encore des ... sueurs froides en repensant à cette scène elliptico-érotique de James Stewart déshabillant hors-champ Kim Novak après l'avoir sauvée des eaux.
Au-delà de cet érotisme affleurant et que je ne trouve hélas pas toujours exempt de vulgarité, Lucio Fulci laisse déjà paraître un certain goût pour l'imagerie de l'angoisse : plans saisissants sur le cadavre de la femme, tête de macchabé décomposé, effusions de sang bien rouge. On trouve également dans Perversion Story un vrai fétichisme visuel, si présent chez Bava et Argento (et là encore, sous influence d'Hitchcock) et qui s'exprime par des cadrages inhabituels et quelque peu angoissants, des gros plans sur des objets a priori anodins mais signifiants pour le scénario (ici, un flacon de somnifère) ou encore d'éclairages qui sont certes complètement irréels mais qui toujours illustrent un point de vue.
Un cadrage comme je les aime tant
Le macabre lit de la femme défunte
Toutefois, malgré toutes ces qualités esthétiques, je dois bien avouer que j'ai quelque peu baillé devant Perversion Story, principalement en raison des invraisemblances du scénario et du jeu bien terne des acteurs. Malgré sa belle gueule, Jean Sorel est aussi expressif qu'une endive. Le reste du casting est peu remarquable ... sauf ... sauf l'explosive Marisa Mell, bien sûr, dont j'avais pu apprécier la plastique dans Danger: Diabolik, de Mario Bava justement.
Le vulgarissime mais ébouriffant Marisa Mell Show (et pourtant je ne suis pas fan de strip-tease en général)
Ce qui est bizarre avec Marisa Mell, c'est que je n'arrive pas à savoir si elle est franchement belle. En fait, non, je crois que, fondamentalement, cette fille n'est pas très jolie mais, subjectivement, inexplicablement, elle dégage une charge érotique enivrante qui sauve toutes les scènes dans lesquelles elle apparaît. Elle est une bonne illustration du mot sex symbol.
En fin de compte, pour la troublante Marisa Mell et pour la maitrise visuelle de Fulci, Perversion Story est un film qui mérite largement d'être vu.
Pour finir, j'ai noté que les plans du héros dans la chambre à gaz ressemblent étrangement à ceux de Fred McMurray dans Double Indemnity (Billy Wilder, 1944). Dans ce dernier film (et au passage, chef-d'oeuvre) ces scènes avaient été coupées au montage mais elles apparaissent dans le livre Les Films Noirs de Patrick Brion. Voilà, c'était la remarque ciné-geek du soir, bonsoir.
1 commentaires:
Certain parlent trop pour ne rien dire! au moin ici je trouve ce que cherche de facon claire et precise bravo..
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