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Perversion Story

mercredi 17 juin 2009

Una sull'altra / One on Top of the Other
Lucio Fulci, 1969


Depuis que je m'intéresse aux films de genre, j'ai souvent entendu parler de Lucio Fulci (1927-1996), présenté comme le spécialiste ultime du film d'horreur italien, le successeur de Dario Argento, lui-même successeur de Mario Bava - deux réalisateurs que je porte aux nues maintenant que j'ai vu la grande majorité de leurs films (et dont il faut absolument que je parle bientôt sur ces pages, les innombrables chef-d'oeuvres d'Argento et Bava étant devenus pour moi des clés de voûte de ma culture cinématographique). Pour revenir à Fulci, mes réticences face à la violence trop explicite, trop gore, m'avaient toujours retenu d'aller m'intéresser de près à ses films. J'ai donc commencé allegro ma non troppo la filmo de Lucio, avec un giallo de 1969.

Alors, que trouve-t-on dans cet oeuvre précoce de Lucio Fulcio, avant qu'il ne bascule irrémédiablement dans le gore le plus sauvage ? Eh bien, du point de vue du scénario, nous avons ici affaire à un polar des plus classiques.

Pitch : dans un San Francisco très 60s, nous suivons les tribulations d'un jeune chirurgien ambitieux qui trompe sa femme. Celle-ci meurt subitement et inexplicablement. Effondré, notre héros échoue dans un bar à strip-tease dans lequel il tombe nez-à-nez avec une affriolante danseuse qui ressemble comme deux gouttes d'eau à se défunte femme. Intrigué, il la suit, la séduit et tente de se l'approprier - avant de se rendre compte qu'il n'était qu'un pion dans cette histoire.

Bon, évidemment, quand je vous dis "SAN FRANCISCO - STOP - FEMME BRUNE MORTE - STOP - RE-APPARITION EN BLONDE - STOP - HOMME QUI LA REMODELE A SA GUISE - STOP - COMPLOT - TERMINE", vous vous étranglez et criez d'une seule voix : VER-TI-GO ! Et oui, et oui, Perversion Story est sous perfusion hitchcockienne et assez vite on se demande comment Fulci va s'y prendre pour se détacher de cette écrasante influence.

Et bien, ce qui saute tout d'abord aux yeux est une différence générationnelle : entre Vertigo et Perversion Story, 10 ans se sont écoulés et une révolution sexuelle est passé par là. La Californie que nous montre Fulci est autrement plus sexy et dévergondée que la gentleman-attitude de James Stewart. Quoi que. J'ai encore des ... sueurs froides en repensant à cette scène elliptico-érotique de James Stewart déshabillant hors-champ Kim Novak après l'avoir sauvée des eaux.

Au-delà de cet érotisme affleurant et que je ne trouve hélas pas toujours exempt de vulgarité, Lucio Fulci laisse déjà paraître un certain goût pour l'imagerie de l'angoisse : plans saisissants sur le cadavre de la femme, tête de macchabé décomposé, effusions de sang bien rouge. On trouve également dans Perversion Story un vrai fétichisme visuel, si présent chez Bava et Argento (et là encore, sous influence d'Hitchcock) et qui s'exprime par des cadrages inhabituels et quelque peu angoissants, des gros plans sur des objets a priori anodins mais signifiants pour le scénario (ici, un flacon de somnifère) ou encore d'éclairages qui sont certes complètement irréels mais qui toujours illustrent un point de vue.

Un cadrage comme je les aime tant
Le macabre lit de la femme défunte

Toutefois, malgré toutes ces qualités esthétiques, je dois bien avouer que j'ai quelque peu baillé devant Perversion Story, principalement en raison des invraisemblances du scénario et du jeu bien terne des acteurs. Malgré sa belle gueule, Jean Sorel est aussi expressif qu'une endive. Le reste du casting est peu remarquable ... sauf ... sauf l'explosive Marisa Mell, bien sûr, dont j'avais pu apprécier la plastique dans Danger: Diabolik, de Mario Bava justement.


Le vulgarissime mais ébouriffant Marisa Mell Show (et pourtant je ne suis pas fan de strip-tease en général)


Ce qui est bizarre avec Marisa Mell, c'est que je n'arrive pas à savoir si elle est franchement belle. En fait, non, je crois que, fondamentalement, cette fille n'est pas très jolie mais, subjectivement, inexplicablement, elle dégage une charge érotique enivrante qui sauve toutes les scènes dans lesquelles elle apparaît. Elle est une bonne illustration du mot sex symbol.

En fin de compte, pour la troublante Marisa Mell et pour la maitrise visuelle de Fulci, Perversion Story est un film qui mérite largement d'être vu.



Pour finir, j'ai noté que les plans du héros dans la chambre à gaz ressemblent étrangement à ceux de Fred McMurray dans Double Indemnity (Billy Wilder, 1944). Dans ce dernier film (et au passage, chef-d'oeuvre) ces scènes avaient été coupées au montage mais elles apparaissent dans le livre Les Films Noirs de Patrick Brion. Voilà, c'était la remarque ciné-geek du soir, bonsoir.

Danger: Diabolik!

mardi 3 février 2009

Mario Bava, 1968

Ce film est l'adaptation d'un comic italien, Diabolik, créé en 1962, très populaire outre-Alpes et qui apparemment existe toujours. A l'origine du projet, Dino de Laurentis, producteur spécialisé dans les films de science-fiction de série B (on lui doit Barbarella, Flash Gordon, Conan le Barbare mais également Dune et Le Sixième Sens) a confié la réalisation de cette adaptation à Mario Bava qui avait la réputation de tourner vite et pas cher et qui s'était fait un nom avec des premiers films vampiro-fantastiques remarqués.

Pitch : Diabolik (John Philip Law) est un super héros à mi-chemin entre Fantômas et James Bond. Affublé d'un masque de latex, il vole les riches mais ne donne rien aux pauvres car il garde tout pour se payer des Porsches, une superbe maison sous terre et plein de bijoux pour sa petite amie Eva (Marisa Mell), sexy en diable avec ses mini-jupes, sa frange blonde et ses bottes mi-cuisse. Le grand rival de Diabolik est l'inspecteur Ginko, qui cherche sans succès à l'attraper depuis 10 ans, et qui est interprété ici par, je vous le donne en mille, Michel Piccoli ! (franchement qu'est-ce qu'il fait dans ce film ce cher Michel ?). Il faut noter que Diabolik est assez ambivalent. Si il n'hésite pas à tuer pour arriver à ses fins (des policiers notamment), il lui arrive également de jouer les redresseurs de tort et de s'attaquer à de gros méchants.

Voilà pour le cadre. Ensuite, l'histoire proprement dite est assez classique : Diabolik joue au chat et à la souris avec Ginko pendant tout le film. Il parvient successivement à dérober 10 millions de dollars en cash, un superbe collier de 11 émeraudes et enfin un lingot d'or de 18 tonnes (!). Au passage, il débarrasse le monde du super-méchant Valmont (Adolfo Céli, un habitué de genre de rôle : c'est le n°2 du SPECTRE dans Opération Tonnerre) qui avait commis le sacrilège de prendre sa copine en otage.

Après Suspiria, j'avais envie de voir des films de Mario Bava, qui est présenté comme l'autre maître du giallo. Je me suis un peu gourré dans mon choix car Danger: Diabolik n'a strictement rien à voir avec le sombre et superbe Suspiria. Nous sommes plus ici dans le domaine du kitsch pur et résolument décérébré.

Cette image clôt la séquence pré-générique : le spectateur peut enfin souffler 10 secondes

Toute la séquence pré-générique de Danger: Diabolik, qui dure près de 10 minutes, est assez époustouflante. Le défilé des motos, l'apparition de Michel Piccoli, le chargement de l'argent dans la Rolls-Royce blindée, l'attaque du convoi par Diabolik et enfin sa fuite en hors-bord : toutes ces scènes sont filmées tambour battant et avec beaucoup de virtuosité. Au bout de 10 minutes haletantes, quand j'ai vu apparaître l'écran-titre ci-dessus, je me suis dis que j'allais adorer ce film.

Malheureusement, Danger: Diabolik est bien vite rattrapé par ses faiblesses. Dès que les personnages se mettent à parler et qu'un début d'intrigue se met en place, les défauts du film sautent au yeux : inconsistance du scénario, pauvreté des dialogues et indigence des acteurs. Je mets Michel Piccoli à part bien sûr. En fait, il ne faut pas beaucoup de temps avant qu'on switche et qu'on se dise "Ah OK, c'est un film ouvertement crétin. Apprécions alors les images, tentons de comprendre pourquoi ce film est dit 'culte' et sauvons ce qu'il y a à sauver".

C'est sur la foi de cette image si jubilatoire que j'ai eu envie de voir Danger: Diabolik

Le discours qu'on entend souvent est qu'il faut apprécier Danger: Diabolik au deuxième degré, voire plus. Très peu pour moi. Je n'aime pas me moquer des films que je regarde et ne sais les apprécier autrement qu'au premier degré. Je ne me sens pas proche des spectateurs qui tiennent des discours du type "C'est tellement nul que c'est génial". Je laisse ce genre de propos aux abonnés de Canal+. Je préfère penser "OK tel truc est vraiment nul/mal fait mais est largement rattrapé par tel autre aspect positif". Pour résumer, je ne crois pas entretenir un culte du nanar ; d'ailleurs ce mot 'nanar', en plus d'être bien laid, me gêne par ce qu'il sous-entend de fausse connivence entre pseudo-initiés. Un type qui met un film d'Ed Wood dans son top 5 de tous les temps est pour moi un poseur ou un imposteur.

Donc donc donc, on oublie les acteurs et le scénario. Qu'est-ce qu'il reste, au premier degré ? Comme souvent, il reste l'image & la mise en scène.

Les images
Il faut bien reconnaître que Danger: Diabolik est un vrai feu d'artifice de kitsch estampillé années 60 : entre les voitures chromées, les mini-jupes très mini, les coiffures pop, les décors SF et les éclairages psychédéliques, il y a largement de quoi éblouir les yeux de la première à la dernière minute. Et je suis fasciné par l'apparence de Diabolik : sa combinaison en latex et son masque noir lui font vraiment crever l'écran chaque fois qu'il apparaît. Il devient en revanche absolument inexistant dès qu'il enlève son masque, le pauvre John Philipp Law étant hélas un bien piètre acteur.

Diabolik se repose dans sa tanière avec sa petite amie décidément bien serviable

Nos deux héros un brin vulgaires
Plus bling-bling, tu meurs

Douche pour elle
Douche pour lui

Soirée psychédélique
Image de la belle séquence sous-marine


Hommage au comic
D'autre part, Danger: Diabolik comporte de nombreux effets de mise en scène qui sont tout à fait appréciables. Au-delà de "gimmicks" très appuyés (zooms fulgurants, caméra qui tourne, grand angle pour accentuer une perspective), Mario Bava se montre très respectueux du support dont cette histoire est issue : la bande-dessinée. Danger: Diabolik est en effet truffé d'inserts, d'image dans l'image, de cadre dans le cadre - tous ces effets qui rappellent les cases d'une BD et renforcent l'aspect cartoonesque. Bava a le bon gout de ne pas multiplier à l'excès ces effets et ils en prennent d'autant plus de valeur.
Couleurs vives + contre-plongée appuyée + une pointe d'érotisme = un bel hommage au comic

Une composition de plan très proche d'une case de BD
Autre exemple d'image dans l'image

La bibliothèque sert ici à faire un découpage en cases
Ou là encore , la tête de lit découpe la fille et son agresseur


Sacrés fonds bleus
Enfin, pour terminer sur l'image, j'avoue que j'ai un peu halluciné sur la multiplication des "fonds bleus", tous très visibles, même quand ça ne paraît pas nécessaire. Est-ce intentionnel ? Si oui, on pourrait effectivement soupçonner Bava de vouloir faire un film deuxième degré, en le montrant encore plus cheap que ce qu'il n'est vraiment. Hum, je ne sais pas mais je préfère lui donner le bénéfice du doute.

Je n'en mets que deux parce-que je fatigue un peu mais, croyez-moi, le film en est gavé.
Ouch !
Re-ouch !

Au final, indépendamment de ma petite diatribe sur le 2e degré qui est un peu exagérée eu égard à la fraîcheur de ton qui se dégage de ce film, Danger: Diabolik reste très amusant à regarder, parfois éblouissant, toujours plaisant. A découvrir.

Et pour la petite histoire, Danger: Diabolik a eu une forte influence sur un certain nombre d'artistes contemporains : le clip Body Movin' des Beastie Boys est un remake d'un scène du film de Bava, le film CQ de Roman Coppola s'en inspire également directement et enfin on peut retrouver beaucoup d'éléments de Danger: Diabolik (dialogues, gadgets, attitudes du héros) dans les films ouvertement parodiques que sont OSS 117 et Austin Powers.

Voici l'image qui résume peut-être le mieux cet étrange film : décors SF, costumes kitsch, attitudes proches du ridicule mais aussi un beau sens du cadrage. Ici Diabolik s'apprête à cracher de l'or fondu par ce tuyau : quel symbole !