
Pitch : Joëlle (Danièle Croisy), Karine (Françoise Guégan) et Caroline (Caroline Cartier) sont 3 jeunes filles qui passent leurs vacances dans une villa de bord de mer, du côté des longues plages de St-Gilles-Croix-de-Vie. Les jours s'égrènent joyeusement, entre baignades, bronzage, pêche à la crevette et ballades à vélo du côté de la petite ville d'Orouët. L'insouciance est reine. Les filles sont rejointes par Gilbert (Bernard Menez), qui est à la ville le chef de service de Joëlle et qui s'incruste petit à petit dans cette joyeuse communauté. Les filles semblent accepter Gilbert mais en font vite leur souffre-douleur, abusant de sa gentillesse, se moquant de sa maladresse. Lui s'en accommode car il est amoureux de Joëlle - bien qu'elle le rejette. Plus tard, un playboy, un vrai avec un beau voilier, va venir se mêler à ce petit groupe et jouer les beaux parleurs auprès des filles, au grand désespoir de Gilbert. Les vacances vont alors prendre un tour plus grave.
Bon, on résume : des jeunes filles en fleur, des vacances, une grande maison ouverte que vient caresser les vagues ... difficile pour moi de ne pas aimer un film avec un tel pitch. Servi en outre par de très belles images et des actrices époustouflantes, Du côté d'Orouët est un vrai choc. Visuel, sensuel et émotionnel. Un film dont la liberté de ton n'a d'égale que la justesse de l'analyse psychologique. Même après 4 visions (en autant de journées !), j'ai encore du mal à comprendre pourquoi ce film est un tel chef d'oeuvre, pourquoi c'est le plus beau film vu depuis des lustres et assurément mon film de l'année 2008. Essayons toutefois de poser quelques éléments.

En fait, ce film décrit tout simplement la vie, avec une justesse qui en devient troublante. En particulier, ce film témoigne d'un vrai amour pour la gente féminine. Tout ce qui différencie généralement les filles des garçons (l'absence de concurrence, la légèreté et la vivacité naturelles, l'espièglerie) est racontée dans ce film avec une telle acuité qu'on ne peut qu'être profondément touché. Toutes ces scènes (dont mes préférés sont la traversée sur le bateau du passeur, la bassine d'anguilles renversée, la lecture de la lettre de Gilbert, l'arrivée au "Casino d'Orouëëëët !"), bref, toutes les scènes du film sont certes vivantes et réalistes mais elles sont filmés avec un vrai talent de cinéaste, un vrai sens de la narration et un vrai point de vue d'auteur qui font qu'on ne tombe jamais dans les travers du documentaire ou du naturalisme.
Du côté d'Orouët est un des films de vacances les plus réussis que je connaisse. Jacques Rozier "capte" des moments et sait rendre avec beaucoup de justesse cette atmosphère de doux abandon de soi, où les rencontres impossibles en temps normal deviennent possibles ("c'est permis, c'est les vacances", nous dit la sagesse populaire), où chaque moment mérite d'être saisi car il est unique, où rien n'est grave, où le temps n'est plus compté de manière habituelle et paraît même se dilater.


Oui, Jacques Rozier souligne ainsi la fin d'une certaine utopie hippie, celle de Mai 68, et le retour à la dure réalité de la nature humaine et de la société contemporaine. En ce sens, et par bien d'autres aspects (la longueur du film, l'étirement des séquences, la liberté narrative, l'absence totale d'"action"), Du côté d'Orouët est très proche du chef-d'œuvre désenchanté de cette époque : La Maman et la Putain de Jean Eustache, autre cinéaste en marge de la Nouvelle Vague et revenu des idéaux soixante-huitards.
Je me relis et me rends compte que ce que j'écris n'effleure qu'une infime partie des innombrables richesses de ce film. Je n'ai pas évoqué les jeux de couleurs avec les costumes des filles, la composition magistrale des plans qui utilisent si bien les différents étages de la villa, l'étonnante scène où Karine parle à la caméra, la construction ahurissante de la séquence où Bernard Menez court après les filles qui courent après le ballon, la scène de la sortie en en dériveur (la scène de bateau à voile la plus belle, et la plus réaliste, que j'ai jamais vue) etc etc .... et tant d'autres émotions fortes, difficiles à comprendre et à décrire, que la vision de ce film suscite. On pourrait écrire des volumes entiers sur Du côté d'Orouët.
Mais comme dit Bernard Menez dans un supplément du DVD (édité récemment aux éditions Potemkine, dans un indispensable coffret), les histoires de Jacques Rozier sont inénarrables. Il faut les voir. Amis lecteurs, courez, courez donc vous procurer ce film, profitez de ces heures de bonheur ensoleillé et laissez-vous envoûter par la beauté gracile de ce film incomparable. Allez, vous aussi, vous échapper du côté d'Orouët.
Et quelques images de plus ...

1 commentaires:
film magnifique!
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