Contes Immoraux

lundi 17 août 2009

Walerian Borowczyk, 1974

Dans ma quête du film érotique intelligent, qui me ferait changer d'avis sur le traitement frontal de la sexualité au cinéma, je m'attaque à l'œuvre de Walerian Borowczyk. Ce cinéaste polonais établi en France jouissait apparemment dans les années 70 d'une certaine respectabilité, voire d'une forme de caution du milieu intello. Allons voir ce que ça donne.

Premier signe encourageant : le titre du film est un clin d'œil aux Contes Moraux d'Eric Rohmer, dont Walerian Borowczyk nous propose une forme de relecture érotique. Le film présente quatre contes qui illustrent différentes facettes de l'immoralité - sexuelle principalement. Pour faire comme le Maître (ai-je déjà dit que Rohmer était le plus grand cinéaste de tous les temps ?), Borowczyk avait prévu six contes : les quatre premiers donneront ce film, le cinquième deviendra un long-métrage à part (La Bête, dont je parlerai un jour si j'ai le courage) et je crois que la sixième a été tourné plus tardivement.

Avant de tirer des conclusions sur Walerian Borowczyk ("Boro" pour les intimes), essayons de résumer chacune de ces histoires, résolument grivoises mais jamais scabreuses. En image s'il vous plaît.

1. La Marée
Pitch : de nos jours, durant l'été, deux jeunes gens partent en vélo se promener sur les galets, entre la mer et la falaise. Le garçon, 20 ans, en impose à sa jeune cousine, 16 ans, et semble commander en tout. Ainsi, il lui propose de l'initier à la fellation tout en lui donnant un cours sur l'origine des marées. La jeune fille consent. Bien bien.

A plus d'un titre, cet épisode est le plus rohmérien des quatre. On y trouve d'une part un jeune Fabrice Luchini, acteur fétiche de Rohmer (et révélé par lui), et d'autre part, le contexte de l'histoire (et non son traitement !) fait penser à des oeuvres comme La Collectionneuse ou Le Genou de Claire : l'été, les jeunes filles en fleur, l'insouciance, les jeux de l'amour ...

La Marée est peut-être mon préféré des quatre Contes Immoraux. Il faut d'abord reconnaître que cette jeune (et courageuse) actrice, Lise Danvers, qui joue la jeune cousine, est très sensuelle et extrêmement troublante. Et puis franchement, avouons-le, pour nous les garçons, qui n'a jamais rêvé à l'adolescence de connaître une jeune fille (pas une cousine, hein ! c'est péché avec une cousine) qui serait coopérative pour nous faire rentrer plus rapidement dans l'âge adulte, le tout dans un contexte estival où tout semble plus permissif ?

A côté de cette projection que fera tout spectateur masculin, les images de La Marée sont assez belles, Fabrice Luchini est (déjà !) égal à lui-même, à savoir brillant, et Walerian Borowczyk nous gratifie de plans très sensuels, au plus proche du corps de sa jeune actrice. Une petite réussite donc, malgré la trivialité du pitch.

Une des images emblématiques du film
Walerian Borowczyk assume : ce plan dure bien 5 secondes

La cousine (Lise Danvers)
Le cousin (Fabrice Luchini)


2. Thérèse philosophe
Passons rapidement sur ce deuxième conte qui n'est pas franchement palpitant et dont le pitch est des plus sommaires : Thérèse, une jeune paysanne, est punie et enfermée par sa tante dans un grenier. Seule et livrée à elle-même, elle découvre de vieux ouvrages licencieux qui trainent dans un coffre. Émoustillée par ces lectures, elle voit, dans une assiette déposée par sa tante, un ... concombre ! Ah ah, à votre avis, que va-t-elle faire avec ce concombre ?

Au-delà de ce pitch vraiment trop basique pour moi, j'ai été quelque peu rebuté par la laideur des images, ou plus précisément de la lumière. Vraiment, on a l'impression qu'un seul méga-spot blanc de 5000W éclaire l'unique pièce dans laquelle se déroule cet épisode. L'infortunée actrice en devient d'une pâleur cadavérique assez peu propre à émoustiller le spectateur. Bref, image laide, absence de dialogue, érotisme qui ne décolle pas, histoire sur-téléphonée ... non vraiment, il n'y a pas grand chose à garder de ce conte.

Tous les éléments du conte sont sur cette image, par ailleurs assez joliment composée


3. Erzsebet Bathory
Pitch : cet épisode évoque la vie dissolue de Erzsebet Bathory, noble roumaine de 17e siècle et qui est peu la cousine des Carpathes de notre Gilles de Rais national. Sa grande occupation consistait en effet à enlever des jeunes vierges de son fief pour en abuser sexuellement et les massacrer afin de prendre des bains dans leur sang - dans un but de conserver une éternelle beauté. Cette sympathique femme a vraiment existé mais, d'après Wikipédia, il semble que ces agissements soient plus de l'ordre du mythe que de la réalité. Mais bon, de frêles jeunes filles livrées en pature, du sexe, du sang, de la perversion ... il y avait tout les ingrédients pour que 'Boro' en fasse un conte immoral

Par son sujet, sa longueur, la richesse de ses décors et le nombre impressionnant de figurantes, ce conte est le plus ambitieux des quatre. Dans le rôle de la comtesse, on trouve Paloma Picasso (et oui ! la fille de), vénéneuse à souhait dans son rôle de grande maîtresse SM. J'ai toutefois été plus frappé par la beauté de la jeune actrice qui joue le rôle de ce page androgyne qui entretient avec la comtesse une relation lesbienne assez ambiguë. Pascale Christophe, si vous me lisez, qu'êtes vous devenue ? En tous cas, vous me rappelez fortement l'über-troublante Sandra Julien qui hantait Le Frisson des Vampires.

Et ce n'est pas un hasard si j'évoque Jean Rollin : le cadre du château de la comtesse, le surréalisme de certaines scènes, le fétichisme de certains plans et l'aspect très cérémonieux, lent et sensuel, de l'ensemble ne sont pas sans rappeler les films de mon réalisateur préféré de films vampiro-érotiques. Ce troisième conte, à défaut d'être totalement captivant, se laisse donc regarder sans déplaisir. Je garde.

La comtesse face à son harem de jeunes filles
La comtesse dans son bain de sang

La comtesse Bathory (Paloma Picasso) et sa servante (la très troublante Pascale Christophe)


4. Lucrèce Borgia
Pitch : nous sommes en 1498 et nous suivons les tribulations du trio que forment Lucrèce Borgia, le pape Alexandre VI (son père) et la cardinal César Borgia (son frère). Vous vous en doutez, leurs tribulations seront d'ordre licencieux. Au programme donc : amour à trois, inceste et blasphème à go-go. Là encore, merci à Walerian Borowczyk de me faire réviser l'histoire en général et la vie des papes du 15e siècle en particulier - même si il y a une part importante de fantasme populaire dans cette description des mœurs papales.

On peut reprocher à ce dernier des quatre contes son absence presque totale de scénario. Le conte se résume à la phrase suivante qui sonne comme une blague : Lucrèce, le pape et le cardinal sont dans une pièce, à quels jeux sexuels vont-ils pouvoir se livrer ? Toutefois, il faut reconnaître que cet épisode est assez élégant dans son traitement et assez juste dans son approche de la sexualité : ce n'est pas vulgaire, encore moins graveleux, mais plutôt onirique et très sensuel.

Bizarrement, le mélange de sexualité et d'objets ecclésiastiques (tiare, croix, étole, trône) ne m'a pas paru tellement blasphématoire. A la réflexion, je ne pense pas que Walerian Borowczyk soit une personne radicalement anticléricale : j'ai plutôt l'impression qu'il utilise ces symboles forts pour composer des images surréalistes et marquantes. Je comprends évidemment que ça puisse choquer mais je ne pense pas que ça soit le but recherché.


Deux images, belles comme des tableaux, qui montrent tout de même un grand talent pictural chez Borowczyk

Apparemment, on savait s'amuser au Vatican en 1498


Concluons ...
Alors, au final, tient-on enfin avec Contes Immoraux un film érotique de bonne facture ? Eh bien, courageusement, je dirais : oui et non.

Dans l'ensemble, j'apprécie le traitement souvent frontal que propose Borowczyk dans ses cadrages. Il n'a pas peur (il est décomplexé dirait notre président) de nous proposer des gros plans sur les parties des corps qui l'intéressent (poitrine, sexe, fesses), plans souvent appuyés mais jamais anatomiques comme on peut le voir dans les films pornographiques. C'est le sexe qui intéresse Borowczyk et il ne cache pas non plus cet intérêt par des détours de scénarios qui n'apporteraient rien à son propos.

Cette franchise est plutôt réjouissante et démarque instantanément Contes Immoraux des infâmes films érotiques mâtinés de comique troupier (version Max Pécas) ou d'exotisme toc (version Just Jaeckin) qui fleurissaient en France dans les années 70 - et qui n'ont d'érotique que le nom. Walerian Borowczyk est largement au dessus de la mêlée.

En revanche, je pourrais lui reprocher l'hétérogénéité de son film. A côté de deux contes assez réussis (La Marée et Erzsebet Bathory), on trouve un épisode plutôt moyen (Lucrèce Borgia) et un autre franchement dispensable (Thérèse philosophe). Au sein mêmes des contes, certaines scènes paraissent inutiles et forcées. En fait voilà, malgré toutes les qualités qu'on peut lui trouver, on peut déplorer dans ce film un certain amateurisme général, un côté un peu cheap et parfois brouillon.

Avec les mêmes matériaux de base (histoire, acteurs, décors), je n'ose imaginer le chef d'œuvre qu'un cinéaste comme Kubrick ou Lynch aurait pu réaliser. On peut encore rêver.

Pour finir, une des images les plus connues du film, extraite de Erzsebet Bathory. Toute une époque quand même !

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4 commentaires:

Anonyme a dit…

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...
;)

Anonyme a dit…

women in love et non love

Marivaudage a dit…

Anonyme> ce sont des suggestions ?

Anonyme a dit…

bonjours
je sais pas de quand date cette article et ce qui vous a reellement plus chez pascale son corp ou bien son charisme mais sachez que vous n'etes pas pres de la revoir elle nous a quitter il y a de cela plus de 2O ans
cordialement

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