Le Sang des Bêtes, premier film de Georges Franju, est un court-métrage documentaire sur les abattoirs du canal de l'Ourq dans les années 50.
Servi par un noir & blanc contrasté et un commentaire neutre, Le Sang des Bêtes annonce bien l'univers visuel particulier que Franju développera par la suite dans ses long-métrages de fiction. Les plans sont remarquablement bien construits et mettent en valeur avec force ces images saisissantes, presque surréalistes, de troupeaux puis de carnage d'animaux aux portes de Paris.
Ce film m'a frappé par sa crudité : le processus d'abattage, équarrissage et dépeçage de ces pauvres bêtes est montré, certes sans ostentation, mais également sans aucune censure. Au-dessus de véritables mares de sang, les animaux sont alignés comme s'il s'agissait de simples objets, le tout baigné dans une vapeur suffocante émanant des corps sans vie mais encore chauds. Les abatteurs exécutent mécaniquement ce travail, qu'on devine pénible, sans aucun sadisme mais sans aucune gêne non plus, la clope au bec et souriant à la caméra. C'est un boulot comme un autre, semblent-ils dire. Sept ans après la découverte des camps de la mort, Franju veut-il montrer à quel point l'habitude et les ordres peuvent rendre banals des actes d'une cruauté a priori révoltante ?
Il est aussi possible que Franju ait un propos un peu plus "végétarien" et que le message soit, en gros : "Regardez, chers bourgeois citadins amateurs de bonne viande, regardez l'ignoble travail qu'il faut accomplir, à 2 pas de votre restaurant, pour que vous puissiez avoir dans votre assiette une bonne bavette bien saignante." Je me demande ce que la SPA pense d'un tel film. Et je me demande surtout comment ça se passe maintenant, dans les abattoirs. Si tout cela est moins brutal.
En tous cas, si vous vous sentez de moins en moins carnivore, regardez Le Sang des Bêtes et vous basculerez définitivement dans le camp des végétariens !
2 commentaires:
C'est pire maintenant, loin des pavés parisiens, les voici déchargées de plusieurs mètres des camions, se retrouvant au sol les pattes cassées. Derniers instants savoureux avant l'abattoir.
N./> ah oui c'est pire maintenant ? Fichtre, ça me laisse sans voix et me fait regretter mon steak Charal d'hier soir.
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