La fille qui en savait trop

jeudi 12 mars 2009

La Ragazza che sapeva troppo
Mario Bava, 1963


Tel l'explorateur en quête des sources du Nil, je continue ma recherche de l'origine du giallo, en suivant toujours le bras Mario Bava et en remontant à contre-courant chronologique. La fille qui est savait trop date de 1963 et est le dernier film en noir & blanc tourné par Bava. Je crois que je touche au but car d'après Wikipedia et d'autres littératures que j'ai lues à ce sujet, La Fille qui en Savait Trop est le film fondateur du genre. Un sacré bonhomme que ce Bava tout de même. Pendant la seule année 1963, il signe en effet trois films marquants : La fille qui en savait trop donc, Les Trois Visages de la Peur dont j'ai déjà parlé et Le Corps et le Fouet dont je parlerai bientôt et qui est une vraie bombe visuelle.

Mais peu importe les catégories des exégètes du cinéma, La fille qui en savait trop est avant tout chose, avant toute classification, un excellent film, mon Bava préféré pour le moment.


Pitch : Nora Davies (Letícia Román), jeune américaine de 20 ans, passionnée de romans policiers, débarque à Rome pour rendre visite à sa vieille tante malade. Sa toute première soirée à Rome s'avère être agitée. Tout d'abord, deux heures après son arrivée, la vieille tante meurt (de mort naturelle). Partie chercher un médecin, Nora se fait agresser et assommer par un brigand qui lui vole son sac et la laisse inanimée sur le trottoir. Au moment où elle reprend ses esprits, la pauvre Nora assiste au meurtre d'une femme par un homme mystérieux dont le visage reste caché.

Bien évidemment choquée, Nora retombe dans les pommes, se fait aider par un autre homme mystérieux qui lui donne de l'alcool pour la réveiller. Celui-ci fuit à l'arrivée de la police. Nora retombe dans les pommes et se réveille à l'hôpital. Bienvenue à Rome ! Heureusement, un jeune médecin ritalo-tchatcheur va aider notre héroïne et celle-ci, pleine de ressources et animée de sa passion pour les histoires policières, va se lancer dans une tortueuse enquête dans toute la ville à la recherche de ce mystérieux tueur. Nombreux seront les obstacles qui se dresseront sur sa route.

La première idée qui vient à l'esprit est que Bava rend par ce film un bel hommage à Alfred Hitchcock. Au-delà du titre qui fait évidemment référence au plus-que-moyen L'Homme qui en savait trop, Bava utilise un certain nombre d'éléments de scénario typiques des films de son aîné : présence d'un objet qui attire l'attention et qui en fait s'avère n'être qu'un leurre (autrement appelé McGuffin - ici c'est le paquet de cigarettes Kent), personnage qui a involontairement vu un meurtre et qui poursuit les méchants tout en étant poursuivi par eux, point de vue unique (celui de Nora), histoire d'amour qui se greffe sur l'enquête policière, alternance de scènes de suspens et de scènes de comédie etc etc.

Et Letícia Román, par sa beauté et sa blondeur, rappelle physiquement les classiques héroïnes hitchcockiennes - bien qu'elle n'ait pas la froideur habituelle de ces dernières. Nora est en effet bien vivante, espiègle et attachante, loin en fin de compte d'une certaine raideur nordique qu'on trouve chez Grace Kelly ou Indrid Bergman

Ce dernier point fait d'ailleurs partie des éléments grâce auxquels Bava évite le piège de la simple décalque des films d'Hitchcock. La fille qui en savait trop porte en effet une marque plus personnelle, plus méditerranéenne. Il y a dans ce film un ton léger, une vivacité et un humour qui sont tout à fait rafraîchissants. Lors des promenades romaines de Nora et du jeune docteur, le film prend des airs de comédie romantique et lorsque Nora essaie d'appliquer les recettes du polar à sa propre enquête (voir la scène où elle répand du talc et tend des fils pour piéger un éventuel assassin), l'histoire devient franchement réjouissante, ludique.

Il est d'ailleurs impossible de ne pas tomber sous le charme de Nora, qui bascule en permanence entre des périodes presque ludiques, quand elle fait sa Sherlock Holmes, passionnée qu'elle est par cette histoire tout droit sortie de ses lectures habituelles, et des moments de vraie panique quand un tueur est à ses trousses ou que le vent fait claquer une fenêtre.

Motif récurrent dans les films de Mario Bava : un gros plan sur une main qui hésite à ouvrir une porte

Le réveil à l'hôpital
J'aime particulièrement la scène du réveil de Nora à l'hôpital. Elle ouvre les yeux, ne comprend rien à ce qui lui arrive mais reste persuadée de la véracité de ses souvenirs de la nuit. A son chevet, viennent tour à tour se pencher tout un tas de gens qui sont persuadés qu'elle est mythomane ou alcoolique. Mario Bava filme ce défilé par un série de champ/contrechamp qui rend superbement compte de l'angoisse ressentie par Nora à la vue de ces inquiétants personnages.

Quelles sont ces curieuses choses ...
... qui se penchent sur le lit de Nora ?

Des bonnes sœurs bien sûr ! (j'adore les bonnes sœurs)
"Je vous dis que je ne suis pas folle !"

Puis c'est au tour du psychiatre fou de se pencher ...
... sur la pauvre Nora qui n'ose même plus regarder

Et enfin un troupeau de médecins inquisiteurs
"Au secours ! Laissez-moi sortir !"


Cette très belle scène, pleine d'humour, n'est pas sans rappeler le réveil de Cary Grant dans La Mort aux Trousses après son kidnapping, lorsqu'il essaie de convaincre la police qu'on l'a forcé à boire et qu'on a bien tenté de le tuer. Cette incompréhension entre le héros et son entourage est vraiment stimulante pour le spectateur : on sait que notre héros a raison et on a envie de se lever de notre siège et de dire "Mais si ! Il dit la vérité messieurs, écoutez-le !". Bref, le spectateur vit devant une scène comme celle-ci. Et comme chez Hitchcock, ce passage est aussi fondamental pour l'histoire car cette incrédulité des "autorités" va pousser notre héroïne à ne faire confiance à personne et à mener son enquête par elle-même. Cela justifiera le fait qu'elle n'appellera jamais la police.

La lumière dans les yeux
Enfin, il faut souligner l'extraordinaire qualité de la photographie de ce film (le chef opérateur n'est d'ailleurs autre que Bava lui-même). Plus je vois de films, plus je suis sensible à la photographie et plus particulièrement à la lumière. Ici, je suis comblé tant Bava soigne l'éclairage des visages de ses acteurs. Presque tous les gros plans sur les visages sont d'une beauté remarquable, renforcée par un superbe noir et blanc bien contrasté, tirant ainsi vers un certain expressionnisme tant les yeux sont mis en valeur. Quelques images sont plus parlantes qu'un long discours :
Le plan emblématique du film : éclairage orienté sur des yeux écarquillés dans une composition de guingois. Superbe !

Nora en plein doute nocturne
Eclairage par derrière

Encore une magistrale composition de lumière
Caméra en bas, lumière d'en haut


En résumé, ce film a tout pour plaire : une histoire solide, du suspens à tous les étages, une certaine frivolité, une actrice attachante et une superbe photographie. A la réflexion, La fille qui en savait trop est un peu la rencontre de Lubitsch et Hitchcock. Viva Bava !

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13 commentaires:

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Super film mais un peu dur à voir en V.O. !!!

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Ce film était vraiment génial ! Je l’ai adoré et le livre aussi !

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J'ai beaucoup aimé le petit film sur la pub, que je ne connaissais pas. Il est en effet tout à fait dans la même veine que 99F.

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c'est un film très poétique, très agréable à voir

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Je sais, je me répète mais quel superbe film! Je ne m'en lasserai jamais!

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Les acteurs sont excellents et le scénario intéressant

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Trop long, étrange et incohérent dirons certains, mais c'est plus qu'un film. Que l'on aime ou pas , ce film est une expérience a vivre, a ressentir.

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