Russ Meyer, 1970
Pitch : un groupe de rock formé de 3 filles sexy et écervelées débarquent de leur Midwest natal à Los Angeles dans le but de lancer leur carrière. Elles seront rapidement prises en main, dans tous les sens du terme, par Z-Man, sorte de démiurge à mi-chemin entre Phil Spector et Hugh Hefner. Z-Man, producteur de musique de son état, est aussi le roi du cool dans la cité des vices et organise les soirées les plus hypes dans sa somptueuse villa. Il va progressivement emmener nos trois héroïnes sur la dangereuse pente du stupre et de la dépravation. Sauront-elles résister à toutes ces tentations, garantir leur succès et, surtout, trouver l'amour ?
Beyond the Valley of the Dolls est le résultat de l'improbable collaboration entre Russ Meyer et Roger Ebert. Russ Meyer est bien connu en tant que réalisateur de "nudies" complètement déjantés, dont les plus connus sont Faster Pussycat Kill ! Kill! (quel titre !) et toute la série des Vixens : Vixens, Super Vixens, Ultra Vixens etc. Russ Meyer est aussi connu pour être complètement obsédé par les fortes poitrines (naturelles) à propos desquelles il a développé un fétichisme assez étonnant. Roger Ebert est quant à lui un critique de cinéma très respecté, inconnu dans nos contrées, l'équivalent à lui tout seul du Masque et la Plume et dont l'influence est telle que ses critiques sont souvent reprises sur les pages Wikipedia de film.
Bref, l'alliance du spécialiste de la forte poitrine de série B (à la réalisation) et du critique de cinéma hyper-respectable (au scénario), ça donne un OVNI assez étonnant et plutôt réjouissant. Pour info, ce film est également connu en France sous les noms de La Vallée des Débauches, La Grande Trique, Orgissimo et Hollywood Vixens. Quel programme !
Comme le montrent les images ci-contre, on est bien dans un film de Russ Meyer, pas de doute là-dessus, bien que Beyond the Valley of the Dolls reste en fin de compte assez prude. Le décolleté rose ci-contre est peut-être l'image la plus osée. Pas de quoi crier au scandale donc.
Quoi qu'il en soit, je ne peux qu'applaudir des deux mains un film qui est une telle apologie de l'outrance et du mauvais goût. Beyond the Valley of the Dolls est ouvertement décérébré, l'équivalent sur grand écran d'une chanson paillarde. Et j'apprécie le fait que cet esprit joyeusement régressif et potache ne nous est pas imposé au détriment des caractéristiques purement cinématographiques de ce film.
La mise en scène tient en effet la route. Saturées de couleurs criardes, peuplées de personnages incongrus, riches en gros plans fétichistes (poitrines mais aussi pieds, bouches, instruments de musique ...), les images de ce film sont souvent marquantes, voire assez belles à regarder. Russ Meyer, à l'instar de Murnau dans L'Aurore (!), utilise aussi à foison des trucages optiques où notre groupe de filles se mélange avec les autres protagonistes de cette invraisemblable histoire.
Il faut croire que ce film a marqué les esprits car on retrouve encore de nos jours son influence directe. Si si ! The Pipettes, cet excellent girls band dont j'adore le premier album sorti en 2006, a produit une vidéo qui est directement inspirée de Beyond the Valley of the Dolls : le clip de Pull Shapes est un remake plan pour plan de la scène de la première soirée chez Z-Man.
Vous trouverez la scène du film ici et le clip des délicieuses Pipettes là. Et je ne résiste pas au plaisir de poster la dite chanson, joyeuse, hédoniste et légèrement bitchy.
The Pipettes - Pull Shapes
Des trucages optiques dignes de Murnau. Les filles au milieu, l'amoureux transi à gauche, le démoniaque Z-Man à droite.
Le principal reproche que je pourrais adresser à Beyond the Valley of the Dolls est d'être quelque peu auto-conscient. Derrière chaque scène, personnage ou dialogue, on sent une volonté de "sonner culte". Russ Meyer et Roger Ebert semblent désamorcer toute éventuelle critique en se drapant en permanence de second degré. Tout cela manque un peu de sincérité et de fraîcheur. Les filles s'en sortent bien dans l'ensemble mais ce personnage de Z-Men, ainsi que toute la galerie de stéréotypes qu'on retrouve dans les scènes de soirée, est trop caricatural. Dans les moments les plus second degré, on n'est alors pas très loin de l'exécrable "Esprit Canal" qui sévit chez nous et qui pourrit tant de nos comédies nationales.
Le dénouement du film est également assez décevant. En gros, on assiste à deux meurtres étonnamment gore et trois mariages étonnamment bien-pensants. Dans les quinze dernières minutes, la baudruche se dégonfle misérablement, le film tourne à vide et on n'a alors qu'une envie, c'est que ça s'arrête.
Ces défauts non négligeables mis à part, Beyond the Valley of the Dolls reste toutefois assez réjouissant dans son esprit potache. Un film à regarder avec le cerveau débranché et les pupilles dilatées.
Parisiens amateurs de cinéma Z, de musique décalée et de grosses poitrines, ne manquez surtout pas vendredi prochain une soirée spéciale Russ Meyer au Glaz'Art, avec de très bons DJs (Roudoudou et Rubin Steiner), une projection de Faster Pussycat Kill! Kill! et plein d'autres surprises. Ca promet d'être résolument régressif et burlesque.
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