Chanson qui tue

jeudi 18 septembre 2008

Il y a parfois de ces chansons que vous entendez par hasard et qui vous font arrêter toute activité en cours tellement elles vous interpellent. Ces chansons que vous entendez pour la première fois de votre vie et que vous avez pourtant l'impression d'avoir toujours connues, tellement elles paraissent évidentes. Ces chansons qui collent tant à votre état d'esprit du moment. Qui vous déchirent le cœur. Une fois arrivé au bout, vous n'avez d'autre choix que de la ré-écouter. Vous voyez ?
Eh bien ce soir, c'est exactement l'effet que me fait Goodnight Moon, de Shivaree. Mélancolique, doucereuse, portée par une voix tellement habitée ...







Shivaree - Goodnight Moon

(bon en fait cette chanson est tirée de la BO du très mauvais Kill Bill Vol.2 - c'est sans doute pour ça qu'elle est connue)

of Montreal

of Montreal est un groupe de rock qui nous vient de la ville d'Athens, en Géorgie (tout comme REM), qui agite la blogosphère depuis de nombreux mois et que je n'ai découvert que récemment. Le leader, Kevin Barnes, est apparemment un personnage complètement barré, qui joue nu sur scène et qui s'est inventé un alter ego peinturluré, appelé Georgia Fruit, ce qui n'est pas sans rappeler le Ziggy Stardust de David Bowie.

Ces jours-ci, je scotche complètement sur The Past Is a Grotesque Animal, une chanson tirée de leur album Hissing Fauna, Are You The Destroyer?, sorti en 2007. Cette chanson-performance, qui dure pas moins de 11 minutes et 46 secondes, est franchement hypnotisante, répétitive, avec des paroles très littéraires qui évoquent la dépression, l'altérité, Georges Bataille, le rejet de la société et autres sujets joyeux. C'est un peu la rencontre de Archive (pour la musique) et de Morrissey (pour les textes). Voici quelques extraits des superbes paroles de cette superbe chanson :
A 2'20:

I fell in love with the first cute girl that I met
Who could appreciate Georges Bataille
Standing at Swedish festival ... discussing "Story of the Eye"
It's so embarrassing to need someone like I do you
How can I explain, I need you here and not here too
How can I explain, I need you here and not here too

et puis, à 3'50:

I'm just not available
Things could be different but they're not
Things could be different but they're not

Et plus tard, à 4'45

But it's like we weren't made for this world
(though I wouldn't really want to meet someone who was)










of Montreal - The Past is a Grotesque Animal
Ah et puis j'aime bien les chœurs qui arrivent vers 4'25 ("ouh ouh ouh ouh"). Encore, encore !

En super bonus, voici un autre titre d'of Montreal, Nonpareil Of Favor, une vraie chanson à tiroir extraite de leur tout dernier album, Skeletal Lamping, qui sort dans quelques semaines (wouah, trop à la pointe). Ca commence tout doucement avec une belle mélodie, et, au bout de 2 minutes, la chanson rentre dans un trip noisy qui n'est pas sans rappeler My Bloody Valentine. Bonne écoute !







of Montreal - Nonpareil of Favor

Lèvres de Sang

mardi 16 septembre 2008

Jean Rollin, 1975

Le fait d'avoir posté l'image des nurses vampires dans mon post sur Esser m'a donné envie de voir ce film, Lèvres de Sang, qui est paraît-il un "film majeur" de Jean Rollin. En route donc pour ma 4ème rollinade.
J'aime beaucoup cette affiche qui me fait penser à de la BD SF des années 70, à Druillet notamment (Jean Rollin a d'ailleurs lui-même été scénariste de BD SF).

Pitch : lors d'un cocktail mondain, Frédéric, un homme d'une trentaine d'années, tombe en arrêt devant une photographie d'un château en ruines. Cette image lui rappelle un souvenir d'enfance ; il y avait rencontré une belle jeune fille tout de blanc vêtue et passé une nuit à ses cotés. Jusqu'à cet instant, Frédéric n'avait jamais su si cet évènement était rêve ou réalité. Cette photo lui donne enfin une piste. Très troublé, il met en quête de ce château et de cette mystérieuse jeune fille. Mais très vite, de mystérieux conspirateurs, dont sa propre mère, vont tout faire pour contre-carrer son projet. Poursuivi, il se réfugie dans le cimetière de Montmartre où il réveille par mégarde 4 filles vampire (ah !) qui dormaient peinard dans leur cercueil. Reconnaissantes, elles vont l'aider dans sa quête et trucider quelques conspirateurs mais elles paieront le prix fort in fine.

Lèvres de Sang étonne tout d'abord par la linéarité de son récit. Malgré de nombreuses incohérences (qui ont une explication très rationnelle - j'y reviendrai), l'histoire se suit sans difficulté et on ne passe pas son temps à se dire "Mais c'est qui cette vampire ? D'où elle sort ?", comme devant Le Viol du Vampire. On finit par s'attacher à cette quête de Frédéric et on veut connaître le fin mot de l'histoire : qu'est devenue cette fille de son enfance ? Pourquoi se mère lui met-elle des bâtons dans les roues ?

Tout Rollin dans ce plan : une vampire nue, un cercueil, les galets de la plage de Dieppe

En fait, on s'intéresse à cette histoire car elle traite de thèmes universels - derrière une façade folklorique (les femme-vampires), Lèvres de Sang est l'histoire d'un passage. Sans chercher très loin, ce film parle de cette période où l'on regarde les souvenirs d'enfance d'un oeil interrogateur : était-ce vrai ou faux tout ce que l'on m'a dit ? Pourquoi ma propre mère ne veut-elle pas que je sache la vérité ? La scène finale est assez explicite : sommé par ses ennemis de couper la tête de cette femme qu'il a fini par trouver et de l'apporter à sa mère (!), il utilise un subterfuge en coupant la tête d'une statue de la Vierge et en la faisant passer pour la tête de sa promise. L'entrée de Frédéric dans la vie adulte se fera donc par le rejet de sa famille, de la religion et de manière générale de toutes les vérités assénées depuis l'enfance. Jean Rollin ne saurait être plus clair. Bon ok ok, ça va pas chercher très loin mais il y a quand même plus de sens dans ce film que dans l'entière filmographie de Claude Lelouch (beurk).


En dehors de ce message, Lèvres de Sang reste évidemment fascinant à regarder, malgré sa lenteur (Rollin serait-il le Rohmer du film d'horreur ?). Les décors sont toujours aussi étonnants : on n'oublie pas cette poursuite en clair-obscur dans l'aquarium désaffecté du Trocadéro, ou encore ces apparitions fugitives de la jeune fille dans des endroits aussi incongrus que lourds de sens (un cimetière, une gare, un hôpital). Le film se termine comme toujours sur la plage de Dieppe, entre mer, galets, poteaux de bois et falaise calcaire. J'aimerais bien savoir pourquoi Jean Rollin termine presque tout ses films sur cette plage. Etait-il du coin ?


Pour la petite histoire, j'ai lu que le casting de ce film réunissait tout le "gratin du X français des années 70". L'explication est que Jean Rollin a tourné, en parallèle du tournage officiel, et sous le pseudonyme de Michel Gand, une version X de ce film, destinée à l'exportation, délicatement appelée "Suce-moi Vampire". C'est donc ce double tournage (avec les mêmes acteurs d'ailleurs, quelle santé !) qui expliquent un certain nombre d'incohérences et d'ellipses évoquées plus haut.

Pour finir, ne nous privons pas du plaisir de contempler quelques plans-tableaux issus de Lèvres de Sang - enfin, c'est mon point de vue.
Ne vous fiez pas à ces infirmières ....

... elles vous mettent dans une camisole ...


... et après elles sont très méchantes


Bon bon ... Pink Floyd c'est quand même pas mal hein

mercredi 10 septembre 2008

J'aurais beaucoup de choses à dire sur Pink Floyd, du bon et du moins bon, parler de la 'love-hate relationship' que j'entretiens depuis 20 ans avec ce groupe, son manque cruel d'humour, ses éclairs de génie, son côté pompier exaspérant, sa créativité ahurissante etc etc.

Mais là, non, point de dissertation, j'ai juste envie de poster cette chanson, sur laquelle je viens ENFIN de remettre la main, ce soir, 10 ans après l'avoir entendue par hasard et aimée instantanément. Merci Internet ! Merci BitTorrent !








Pink Floyd - Wot's...Uh the Deal
Quelle mélodie mes amis ! En boucle, en boucle ...

The Doors

mardi 2 septembre 2008

Oliver Stone, 1991

Pitch : l'histoire du groupe The Doors, entre les débuts californiens en 1965 et la fin à Paris en 1971. Le film est surtout centré sur la personnalité de Jim Morrison.

A sa sortie, en 1991, je n'avais pas vu le film mais en revanche je n'avais pas pu passer à côté de "l'effet Doors" qui avait envahi tout le collège. En une semaine, les Doors était devenu le groupe favori de tout le monde (avec les caïds qui répétaient "mais naaan, moi ça fait 3 ans que j'écoute les Doors, bien avant le fiiilm"), les posters du film s'échangeaient dans la cour et les "Break On Through" et les "When The Music's over" écrits au typex avaient surgi sur les trousses ou les cahiers. Quelle belle époque heureusement révolue. Plus de 15 ans après la hype, j'ai profité d'une rediffusion sur Virgin 17 ce soir pour rattraper mon retard et voir enfin The Doors d'Oliver Stone.

Petit aparté sur le doublage ...
Tout d'abord, manque de bol, le film était diffusé en VF. Quelle drôle d'idée que de doubler un film quand on y pense ... J'ai l'impression que c'est un procédé hérité des temps anciens du cinéma. A l'époque du muet, on traduisait et remplaçait carrément les inter-titres originaux. On remplaçait même les documents écrits du film affichés à l'écran : par exemple, un gros plan sur un télégramme était purement et simplement remplacé par un autre gros plan sur un autre télégramme reconstitué dans la langue voulue - j'ai déjà vu ça dans des films de Chaplin, Les Temps Modernes je crois.

Bref, j'ai l'impression qu'en France, à l'arrivée des premiers films américains parlants, on s'est dit que qu'on allait remplacer les voix de la même manière qu'on remplaçait les inter-titres des films muets. Peut-être que les mecs à l'époque ne maitrisaient pas la surimpression de sous-titres sur la pellicule originale et qu'ils n'avaient pas d'autre solution Je ne sais pas. Toujours est-il qu'avoir opté définitivement pour cette solution de doublage me paraît désastreux. Comment peut-on ainsi écarter tout le message qui passe par la bouche d'un acteur, son intonation, sa diction, sa scantion - tout ce qui se rajoute aux mots même, toutes ces petites nuances qui, mises bout à bout, transforment des images animées et sonorisées en film de cinéma.

Un film doublé est un film amputé, tout simplement. Et qu'on ne vienne pas me parler de snobisme de parisien élitiste ! Les livres audio n'ont pas supplanté les livres papier sous prétexte que c'était trop élitiste de vouloir faire lire les gens ! Bon ok, pour les films pour enfants, genre les Disney je veux bien mais sinon, c'est un faux débat. C'est vraiment scandaleux de doubler les films étrangers.

Et le film alors ?
Pour revenir à notre sujet, la VF ampute atrocement The Doors. C'est une vraie hérésie que de doubler ce film qui est pourtant loin d'être un chef-d'oeuvre (j'y reviendrai). Le doublage en français engendre des dialogues aberrants. On entend par exemple Meg Ryan s'extasier "Ouais je trouve ça vachement fort comme message, l'idée de traverser un mur, break on throu, ouais" ou le producteur de télé dire "Ah je vois, vous allez allumez le feu, enfin allumer mon feu, light my fire quoi". Ou pire, on voit de temps en temps Jim Morrison passer du 'chanté' au 'parlé' sur scène (quand il harangue la foule par exemple) : tout naturellement on voit donc ce bon vieux Val Kilmer passer de l'anglais au français, et même changer de voix (puisque les parties chantées ne sont elles pas doublées), en plein milieu d'une phrase. C'est vraiment n'importe quoi.

Au passage, j'ai trouvé Val Kilmer assez convaincant. Au delà de la ressemblance troublante, et malgré l'artillerie lourde déployée par Oliver Stone, il n'en fait pas trop, il s'efface derrière son personnage (un peu trop ?) et on sent qu'il ne cherche pas à faire "une performance à Oscar".

Bon mais sinon, que vaut le film ? Eh bien, je dirais "hum hum".

Tout d'abord, The Doors est plus un biopic sur Jim Morrisson que l'histoire d'un groupe. On retrouve donc tous les poncifs du biopic : l'accident traumatique de l'enfance (ici un accident de voiture), les débuts difficiles mais passionnés, la rencontre avec la fille de sa vie, le succès, les producteurs véreux, la plongée dans la drogue et l'alcool, les filles faciles, les chambres d'hôtes trashées, les soirées défonce filmées avec une caméra qui ne tient jamais en place, la chute, la mort tragique. Oliver Stone nous prend-il donc à ce point pour des crétins ? Vraiment, il n'apporte rien à ce genre éculé et The Doors est bien plus proche de la mécanique bien rôdée de I Walk The Line que du génie éblouissant de Amadeus (qui est, de loin, d'incroyablement loin, le meilleur biopic que j'ai eu la chance de voir)

La première demi-heure se laisse toutefois regarder sans ennui. J'aime assez le portrait qui nous est présenté de toute la période Flower Power californienne : filles avenantes avec fleurs dans les cheveux, drogues douces, références à Godard, musique psychédélique etc. Ces scènes-là m'ont paru assez sincères - peut-être parce qu'elles se rapprochent de la propre jeunesse d'Oliver Stone. Ça va tant que les personnages ne parlent pas trop. Dès qu'ils ouvrent la bouche, c'est pour déclamer des textes de Morrison à base de "J'irai au-delà de la vie pour chercher la mort et te ramener à la vie. Et nous nous haïrons avec amour, avec un bon acide dans le nez" (j'exagère à peine). Et toutes les filles de s'extasier sur ce poète. Je préfère imaginer que le vrai Jim Morrison était un peu moins basique.

Les vrais Doors

Les scènes qui représentent le groupe en train de composer leurs premiers tubes sont également assez plaisantes, traitées de manière assez sobre, laissant toute sa place à la musique, un vrai havre de tranquillité avant le maelström d'1h30 qu'Oliver Stone nous inflige ensuite.

En effet, avec le succès du groupe The Doors, arrivent également tous les excès, qu'Oliver Stone choisit de nous présenter sous l'angle suivant : beaucoup de sexe, beaucoup de drogues et assez peu de rock'n'roll hélas. Aux scènes de défonce se succèdent d'autres scènes de défonce, jusqu'à la nausée. Ce qui me gêne, c'est qu'au bout de la 24e scène à base de whiskey/cocaïne/prostituée, on finit par se dire que c'est ça qui intéresse Oliver Stone. Les Doors, les années 60, la contestation, il s'en moque complètement au bout d'une demi-heure. C'était juste une astuce de scénario pour mettre en scène ses fantasmes (?) de dépravation.

Pourquoi pas, après tout, enchaîner des scènes de défonce ? Bad Lieutenant suit à peu près le même pitch et s'avère être un film assez fascinant, à défaut d'être plaisant à regarder. Là, dans The Doors, comme dans Tueurs Nés (un de mes films honnis), on sent le voyeurisme dans tous les plans. On voit la caméra s'attarder un peu trop sur un raïl de cocaïne, un peu trop sur une poitrine dénudée de fan hystérique, un peu trop sur une bouteille de Jack Daniel's. Au delà de la trivialité de ces scènes, le film en devient vite abject et, pire encore, profondément ennuyeux.

Oliver Stone n'a rien à dire et il compense cette absence de propos par de la complaisance de bas-étage. Il se moque de Jim Morrison, de la musique ou du scénario. En bref, il se moque du spectateur !

Bon allez, pour rester sur une note positive, 2 chansons des Doors parmi mes préférées







The Doors - People Are Strange







The Doors - Peace Frog

(et moi je me trouve bien bavard sur un film aussi mauvais !)