Top 5 des discothèques

samedi 21 novembre 2009

Je vais moins en club mais j'aime toujours autant les tops qui ne servent à rien. Petit top 5 (dans le désordre) de mes lieux de nuit favoris.

APT, New York
Comme son nom l'indique, ce petit club ressemble à un appartement. On longe un couloir tapissé de papier peint à rayures avant de se voir offrir deux options : soit rester à l'étage, ambiance cosy, avec une petite terrasse pour cloper (et faire des rencontres), soit descendre au sous-sol pour trouver une ambiance plus groovy et radicalement urbaine. Je connais mal New York mais, bizarrement, j'ai eu vraiment l'impression d'être enfin DANS la ville au moment où j'ai poussé la porte de cet endroit proche de l'idée platonicienne que je me faisais d'un club new-yorkais : cher, chic, branché et cosmopolite. Très peu européen en fin de compte.

Meilleur moment : le physio qui fait oui de la tête pour me laisser rentrer alors que j'étais vraiment habillé comme un sac.
Moment honteux : avoir été habillé comme un sac dans cet endroit sooo chic.
Musique emblématique : les 2/3 fois où j'y ai traîné, j'ai toujours fini par entendre du hip-hop old school, mixé par un DJ en kippa ce que je trouvais être le summum du cool.







Kurtis Blow - The Breaks

Panorama Bar / Berghain, Berlin
Là, on touche LE club, the one and only. Si il ne devait en rester qu'un, ce serait celui-là. Un monstre qui vous avale et dont vous ne sortez pas indemne. Tout paraît possible dans cet endroit extravagant, aux volumes aussi démesurés que les biceps des danseurs torses nus, et ouvert NON STOP du vendredi minuit au dimanche après-midi (il faut le souligner). Le seul endroit où j'ai fait 1h de queue en plein jour.
Meilleur moment : les persiennes qui s'ouvrent furtivement et qui rappellent à la foule en sueur qu'il fait grand jour dehors. Hurlement général. Fermeture des persiennes. Reprise du beat monstrueux. Incroyable.
Moment honteux : m'être fait jeter la veille, sous prétexte que "You don"t fit in", par "The Hardest Bouncer in Europe" - avec lequel on n'a pas du tout, mais alors pas du tout, envie d'argumenter (il a même eu droit à son petit reportage ici)
Musique emblématique : de l'électro bien sûr, allemande, désincarnée et trans-genre (ces 2 titres se suivent).







DJ Koze - Tausend Tränen Tief (Steve Bug Loverboy Remix)







DJ Koze - Telefunken (Adolf Noise Remix)

Razzmatazz, Barcelone
Le club le plus réjouissant de Barcelone, nettement moins Erasmus que les autres endroits de la ville, Dans cet immense dédale industriel, on navigue entre dance-floors géants et salles intimistes par des passerelles en plein air, des escaliers dérobés et des couloirs tordus. On se croirait presque dans le Cabinet du Dr Caligari. La foule est plutôt jeune, décontractée et avenante. La programmation tabasse.
Meilleur moment : le DJ-set de James Holden, pendant lequel même la boucle la plus minimale et la plus répétitive mettait la foule en transe - le tout dans une ambiance tellement moite qu'il était difficile de s'allumer une clope.
Moment honteux : avoir lâché tout le monde pour suivre une fille, qui était un peu l'incarnation féminine de Pierre Richard, dans une épopée de la loose qui s'est terminée dans un commissariat de police.

Musique emblématique : il y a évidemment l'hymne de Nathan Fake, depuis lequel "trance" n'est plus un gros mot.







Nathan Fake - The Sky Was Pink (James Holden Remix)
Mais ce club me rappelle toujours cette excellente chanson de Pulp







Pulp - Razzmatazz

333 / Mother Bar, Londres
Mon club fétiche. Tous les anglais ont leur local pub. Moi j'avais mon local club dans lequel il m'est parfois arrivé d'aller tous les soirs de la semaine. Le must de cet incroyable endroit est le Mother Bar, au dernière étage, à l'ambiance lynchienne : espace restreint, papier peint imprimé rouge, carrelage noir et blanc, boule disco, canapés vintage, grandes fenêtres ouvertes sur Old Street - ça préfigurait un peu Le Baron, en 1000 fois plus friendly. Foule extrêmement hétéroclite, entre les über-cools graphic designers super sapés, les décroissants limite clochards, les City boys égarés et tout un tas de gens qui n'avaient pas peur de se trémousser le dimanche soir jusque 4h.

Meilleur moment : en début de soirée, sur une piste encore déserte, le DJ qui passe Sugar Spun Sister, plus belle chanson des Stone Roses. J'en avais presque les larmes au yeux.
Moment honteux : emporté par mon enthousiasme, perte d'équilibre et rattrapage in extremis en mettant la main sur la platine vinyl du DJ. Gros scratch, musique interrompue, regard courroucé du DJ, des barmen et de toute la clientèle, envie de m'enfoncer dans le sol et de disparaître.

Musique emblématique : ce titre des Stones Roses donc. Pas vraiment dansant mais quelle mélodie mes amis.







The Stone Roses - (Song for my) Sugar Spun Sister

Pulp, Paris
De retour à Paris, j'avais décrété qu'il n'y avait aucun club valable dans cette ville (j'étais déjà snob et péremptoire). J'ai bien changé d'avis quand on m'a emmené à une de ces fameuses soirées du Jeudi (hélas défuntes) : ce soir-là, la qualité des sets de The Hacker et d'Arnaud Rebotini m'avait mis une bonne claque. Musique pointue et sexy, foule hétérogène et tolérante (rare à Paris), toilettes mythiques. Ces soirées ont été responsables de beaucoup de vendredi très douloureux.

Meilleur moment : ma petite chouchoute, Chloé, qui passe son propre tube, Take Care, sous les vivats de la foule.

Moment honteux : pas de moment honteux possible dans les boîtes à Paris. Verre & clope à la main, on reste digne, on mate, on juge, on jauge. On n'est pas là pour rigoler.

Musique emblématique : ce titre de Chloé donc, hypnotique et racé.







Chloé - Take Care

Questionnaire Libé

vendredi 6 novembre 2009

Voici mes réponses à un questionnaire cinéma, récemment posé par Libération à Steven Soderbergh, et relayé par le Dr Orlof (dont je vous invite à lire les chroniques, régulières et fort documentées, bourrées de parti-pris et d'avis tranchés comme j'aime). Dans la mesure où je suis in-ca-pa-ble d'écrire sur les films en ce moment, cet exercice un peu idiot est le mieux que je puisse faire en ce moment pour alimenter mon blog chéri.

Le film que vos parents vous ont empêché de voir ?
Les Valseuses. Quand il est passé à la télé au début des années 90, mes parents, en en ayant gardé un bon souvenir lors de sa sortie en salles, nous ont autorisés à le regarder avant de le couper précipitamment dès la première scène crue - assez tôt dans le film donc. Était-ce révélateur du vieillissement de mes parents ou plutôt d'un certain recul de l'esprit contestataire des années 70 ? Je penche de plus en plus pour la deuxième explication.
Et aussi, un peu plus tôt, A la Recherche de Mr Goodbar, censuré à base de "Va te coucher, ce film n'est pas pour toi", qui reste un film éminemment mystérieux pour moi dans la mesure où je ne l'ai toujours pas vu.

Une scène fétiche ou qui vous hante ?
Le mariage de The Deer Hunter. Vu que ce passage est long, s'il ne fallait retenir qu'une scène, je choisirais la pré-chauffe au bar sur Can't Take My Eyes Off You.

Vous dirigez un remake : lequel ?
Les Jeux de l'Amour et du Hasard, la fameuse (et si puissante) pièce de Marivaux.

Une deuxième tempête spatio-temporelle s'abat sur l'USS Nimitz dans l'inusable Nimitz, Retour Vers l'Enfer

Le film que vous avez le plus vu ?
J'hésite entre La Folie des Grandeurs, Nimitz Retour vers l'Enfer et La Ruée vers l'or. Je n'ai évidemment pas compté mais ça doit être de l'ordre de la trentaine pour chacun.

Qui ou qu’est-ce qui vous fait rire ?
Cary Grant qui se pète la gueule pendant l'aria de son ex-femme dans Cette Sacrée Vérité : ça dure 10 secondes mais je ne peux m'empêcher de rire devant la 'justesse' de la cascade et la tête d'ahuri qu'il prend (la scène est ici sur YouTube : le passage en question est à 3' pile - c'est absolument prodigieux, vraiment, je ne connais rien de plus drôle au monde, sans parler de la tête du petit vieux à côté et du rire sooooo charming de Irene Dunne à 3'25, c'est à se pâmer).
Et sinon :
- Chaplin à peu près tout le temps, notamment dans Le Cirque (le plus sous-estimé des Chaplin ?) quand il tombe dans un tonneau.
- Jean Dujardin dans le premier 0SS 117 (eh oui).
- Mike Myers dans le premier Austin Powers (eeeeh oui, je ne me souviens pas avoir tant ri au cinéma).

Votre vie devient un biopic…
Il portera forcément le titre d'une chanson des Smiths / Morrissey. Cinq parmi ceux qui me touchent le plus :
- I Started Something I Couldn't Finish
- The Last of The Famous International Playboys (la meilleure chanson de Morrissey peut-être, bourrée de mélancolie, d'ironie et d'auto-dépréciation)
- Heaven Knows I'm Miserable Now
- Barbarism Begins At Home
- We Hate It When Our Friends Become Successful (n'est-ce pas ?)








Morrissey - The Last Of The Famous International Playboys

Le cinéaste absolu ?
Comme chez les catholiques, ma Sainte Trilogie, qui n'est qu'une seule et même personne incarnée en trois entités (ou le contraire je ne sais plus), est la suivante : David Lynch, Woody Allen, Eric Rohmer.

Le film que vous êtes le seul à connaître ?
Aucun, vraiment.
Mais, en dehors de mon ex-coloc avec qui on est tombé dessus par le plus grand des hasards, je n'ai encore rencontré personne qui a vu Auch Zwerge Haben Kleine Angefangen, le génial et WTF-issime premier film d'Herzog (pour vous donner une idée, je vous conseille d'aller regarder le plan final, absolument hallucinant).
Et dans le genre 'film dur à voir mais qui mériterait largement d'être multi-diffusé', je suis plus que content d'avoir assisté à une rare reprise du Plein de Super, l'impayable road-movie d'Alain Cavalier, toujours introuvable en DVD.

Une citation de dialogue que vous connaissez par cœur ?
"For a moment ... I thought .... " susurré par Ingrid Bergman dans Dr Jekyll & Mr Hyde. Je n'ai vu ce film qu'une fois ou deux, cette phrase n'est pas très longue mais, pour des raisons que j'ignore, cette ligne de dialogue me hante depuis 20 ans et je me la remémore presque quotidiennement.

L’acteur que vous auriez aimé être ?
Jean-Paul Belmondo dans les années 60 : il pouvait tout jouer, du plus intello au plus populaire, avec une désinvolture et une justesse incroyables. Rarement une personne ne m'a donné autant l'impression d'incarner une époque - tout en flottant largement au-dessus de la mêlée. Il a aussi embrassé les plus belles femmes.



Le dernier film que vous avez vu ? Avec qui ? C’était comment ?
Pulsions de Brian de Palma, seul sous ma couette. Très bien.

Un livre que vous adorez, mais impossible à adapter ?
Malevil de Robert Merle, que j'ai lu 50 fois et dont je connais des chapîtres entiers par cœur. Il y a eu une adaptation assez faiblarde en 1980 par Christian de Chalonges.
Le livre est pour moi trop riche et trop subtil pour en faire un vrai bon film - une série peut-être.

Quelque chose que vous ne supportez pas dans un film ?
La fausse connivence, le deuxième degré, Clovis Cornillac.

Le cinéma disparaît. Une épitaphe ?
Silencio.



Bon et je ne suis pas trop branché "chaîne de blog", mais je serais très curieux de lire les réponses de Camille, Rob Gordon, FredMJG & IMTheRookie à ce questionnaire.

Top 10 des cinéastes américains en activité

jeudi 8 octobre 2009

Aujourd'hui a circulé sur Twitter ce Top Ten Working American Directors avec lequel je suis parfois d'accord mais, en fait, à la réflexion, non. Relevé par David, l'absence de David Lynch est un scandale. Et ma réaction sur Twitter, bien que contestée, appelait à un point de vue un peu plus fourni. Voici donc mon Top 10, parfaitement subjectif et assumé, des meilleurs cinéastes américains en activité.

1. David Lynch
Mulholland Drive étant le plus beau et le plus grand film de tous les temps, David Lynch était assuré de figurer dans ce top 10. Or il se trouve que ses autres films, bien que peu nombreux, ont tous été pour moi de grands moments de cinéma : Lost Highway m'a retourné le cerveau, Dune a troublé mes 10 ans, Eraserhead m'a donné l'illusion d'être un cinéphile intello, Blue Velvet m'a fait voir le monde différemment, Sailor & Lula m'a donné envie d'avoir une veste en peau de serpent et Inland Empire m'a vraiment fait chier mais a incrusté en moi des images impérissables (ces lapins !).

Si on ajoute à cette oeuvre cinématographique ahurissante la série Twin Peaks, nous obtenons tout simplement avec David Lynch le plus grand faiseur d'images de ces 30 dernières années. Respects éternels. Et puis Mulholland Drive quoi ... la beauté faite cinéma.

2. Woody Allen
En 1977, Woody Allen signait un des meilleurs films américains de la décennie avec Annie Hall. En 2009, il m'a offert (merci, merci) un des meilleurs films de l'année avec Whatever Works, pur feel-good movie bourré d'intelligence, de finesse et d'humour. Et entre-temps, il enfile les chefs-d'œuvre comme d'autres enfilent des perles : Manhattan (la scène finale avec Mariel Hemingway, oh my God !), Le sortilège du scorpion de Jade (LE film jubilatoire par excellence), Match Point, Melinda & Melinda (le plus sous-estimé de tous les Allen ?) et 15 autres encore que j'ai eu le bonheur de voir.

Le mot génie me paraît avoir été inventé pour qualifier Woody Allen, homme doté d'une science inouïe du langage cinématographique doublée d'une finesse d'analyse inégalée. Tous en choeur : génie, génie, génie.

3. Steven Spielberg
Autant je refuse catégoriquement de parler à des personnes qui contesteraient la moindre once de génie chez Woody Allen ou David Lynch, autant je suis prêt à reconnaître quelques failles dans l'oeuvre de Spielberg : je veux bien croire qu'il a participé, avec la nouille Georges Lucas, à une certaine infantilisation et décérébralisation du cinéma américain - nivellement par le bas dont nous subissons hélas toujours les effets.

Mais bon, comment ne pas être immensément admiratif d'un cinéaste qui a effrayé le monde entier avec Jaws, l'a fait pleurer (moi le premier) avec La liste de Schindler, l'a amusé avec Catch Me If You Can ou La Guerre des Mondes, l'a traumatisé avec Saving Private Ryan ou l'a fait vivre (tout simplement) avec ce chef-d'oeuvre du divertissement qu'est la trilogie Indiana Jones. Derrière cette productivité hallucinante, je sens chez Spielberg un vrai respect de son spectateur et un réel amour du cinéma et je suis prêt à me battre à mains nus avec les snobs du cinéma intello qui ne voient en lui qu'un saltimbanque.

4. Martin Scorsese
Les Affranchis, le plus beau film de gangsters que j'ai pu voir, et un des plus beaux films tout court, donne par défaut une bonne place à Martin Scorsese. Ensuite, il y a évidemment Taxi Driver, Raging Bull et Casino, dans lesquels les histoires quasi-bibliques et les interprètes bigger than life insufflent une grandeur qui est de l'ordre de l'épique. Et j'ai une tendresse particulière pour Mean Streets, film-matrice dans lequel Robert de Niro crève l'écran par son insouciance et sa douce folie.

La religiosité des films de Scorsese, loin de les plomber, leur donne pour moi un souffle à nul autre pareil - décuplé par une science cinématographique incroyable (ah ce plan-séquence des Affranchis !).


5. Francis Ford Coppola
Après Scorsese et Spielberg, il est vrai que c'est un peu facile de citer Coppola. Mais bon, je dois avouer que la fresque Apocalypse Now, par son esthétisme, son lyrisme, sa dimension résolument poétique et son refus du réalisme (enfin, c'est pas vraiment un refus, c'est plutôt un point de vue qui n'est pas dans la réalité, un point de vue qui n'appartient qu'au cinéaste et dans lequel il parvient miraculeusement à nous faire rentrer, à l'opposé du documentaire en somme), bref j'avoue que ce film me fascine profondément.

Ensuite, dans des genres radicalement différents, j'admets deux gros faibles pour Peggy Sue Got Married et Dracula (et oui ... malgré l'endive Keanu Reeves). Et, me direz-vous, la trilogie du Parrain ? Et bien, là aussi j'avoue, oui j'avoue que je ne suis pas emballé par cette trilogie, certes magistralement interprétée et scénarisée, mais manquant pour moi d'un je-ne-sais-quoi pour la rendre aussi flamboyante qu'un chef-d'œuvre de Scorsese. Je les ai vus trop tard je crois.

6. Brian de Palma (encore un barbu)
On continue dans la facilité et dans le courant de ces wonderkids qui, au début des années 70, ont réinventé le cinéma américain et le cinéma tout court par la même occasion. Je suis loin d'avoir vu tous les films de De Palma mais je suis vraiment admiratif de l'insistance qu'il donne à la forme de ses films. Bien qu'étant un héritier auto-proclamé d'Hitchcock, je le vois pour ma part comme un Dario Argento américain : tant pis pour l'histoire, tant pis pour les acteurs, la virtuosité formelle compte über alles.

Cette volonté de faire des plans superbes et des mouvements de caméra grandioses donne par exemple Carrie, chef-d'oeuvre qui va bien au-delà d'un 'simple' film d'angoisse. Parfois, cela nous donne des films controversés mais que j'aime beaucoup : Phantom of the Paradise, Snake Eyes ou Les incorruptibles (que je trouve brillantissime, quoiqu'on en dise). Hélas, ça donne aussi parfois de belles horreurs clinquantes et putassières comme Scarface mais je suis toujours vivement intéressé par ces cinéastes qui sont en quête de beauté esthétique pure. Il me tarde vraiment de voir Furie, Obsession & Redacted.

7. Michael Cimino
Il n'est pas mort donc on peut dire qu'il est encore en activité - bien que je ne sois pas sûr qu'il fasse encore des films. Mais, ne serait-ce que pour The Deer Hunter, Michael Cimino mérite largement d'être parmi les plus grands. J'ai déjà parlé sur ce blog de ce film époustouflant qui m'avait rendu amoureux de Meryl Streep (alors qu'elle est même pas belle !) et dont la scène de roulette russe avait engendré chez moi quelques nuits blanches (j'avais 17 ans).

A côté de ça, j'ai du m'endormir devant Heaven's Gate il y a 10 ans, je garde un bon mais confus souvenir de L'Année du Dragon et je n'ai carrément pas vu The Sunchaser et Le Sicilien (Christophe Lambert, bigre !). Quand j'ai le cafard, je regarde, re-regarde et regarde encore cette scène magique de Deer Hunter - pour Christopher Walken et son déhanché hors du temps, pour John Cazale et sa sincérité, pour le sérieux et la casquette de Robert de Niro.

8. Paul-Thomas Anderson
Bon là, je commence à rentrer dans le domaine de l'escroquerie parce que je n'ai vu que Boogie Nights mais ce film m'a tellement impressionné (et ce type est encore très jeune) que j'ai tout de suite eu envie de le placer parmi les grands.

Moi qui aime les plan-séquences, j'ai été plus que gâté dans ce film brillant sans être clinquant - une sorte de relecture des Affranchis dans le milieu du porno.

Je sais, je sais, il faut que je voie Magnolia et There Will Be Blood.



9. Sofia Coppola
Un choix un peu moins défendable mais plus honnête dans la mesure où j'ai vu chacun de ses trois films : le gracieux Virgin Suicides, l'émouvant Lost in Translation et le moins bon Marie-Antoinette. Sofia Coppola est encore jeune, elle traine beaucoup de casseroles avec elle (sa filiation, son côté un peu trop dans l'air du temps) mais j'ai envie de croire qu'elle va continuer à nous surprendre et nous charmer.

10. (ex-aequo) Steven Soberbergh & David Fincher
Je ne connais pas complètement, parfois j'aime, parfois moins. Voilà voilà. (et si les Cahiers du Cinéma veulent m'embaucher, no soucy). Mention spéciale à Sex, Lies & Videotape ainsi qu'à Zodiac tout de même.

Non classés
- Quentin Tarantino : serait dans mon top 10 si il n'était pas autant surcôté et si content de lui. 2 premiers films et 2 chefs-d'œuvre. Après, je suis très sceptique et très refroidi par les louanges unanimes qu'il reçoit.
- Clint Eastwood : j'en ai vu trop peu pour juger. Au-delà de Mystic River qui m'a bouleversé, de Million Dollar Baby qui m'a ému tout court d'Un Monde Parfait qui m'a intéressé, j'en ai raté plein que je veux voir (Impitoyable, Dans la ligne de mire) et plein d'autres qui m'ont été tellement déconseillé que je reste hésitant.
- Les frères Coen : évidemment, il y a le méga-LOL Big Lebowski, que j'aime sincèrement. Mais bon, avant, après, les deux frères nous servent des films qui sont vraiment trop peu sincères pour que j'accroche. Je ne suis pas votre pote les gars, et je n'ai pas envie de l'être, alors arrêtez de me donner une tape dans le dos en me disant "Tu vois ce que je veux dire ?". Non, je ne vois pas. Leur cinéma est ultra-surcôté, et ne restera pas.

Même pas dans mon top 200.000

Darren Aronofsky : je n'ai vu ni Pi, ni The Foutain, ni The Wrestler mais Requiem for a Dream est un film tellement ignoble que je jette le bébé avec l'eau du bain en pleine conscience de ma mauvaise foi.

Ce type est un escroc, un menteur, un salaud. Pouah.

Yoghurt Mudflap etc

jeudi 1 octobre 2009

En mode 'j'ai pas le temps d'écrire mais pourtant j'en ai l'envie alors hop hop hop ...'

J'ai enfin réussi à remettre la main sur une veille chanson qui m'avait longtemps obsédé et dont je n'arrivais absolument pas à me souvenir du titre (so last decade, ce genre de problèmes non ?).

Bref, au-delà d'une ligne de basse fatale, au-delà d'un flow des plus smooth, au-delà de cette mélodie qui tue, vraiment, j'adore le nom de la chanson et le nom du groupe : voici donc Yoghurt Mudflap (?) par The Mexican (??).

Une petite bombe underground qui mérite largement les vivats de la foule. A propager, à diffuser (et je suis preneur de toute info sur ce groupe : qui sont-ils ? que sont-ils devenu ?).








The Mexican - Yoghurt Mudflap

Maintenant que j'ai retrouvé la mémoire, je me souviens que j'avais découvert cette dernière chanson sur une étonnante compile, Straight Out from the Cat Litter Vol. 2 (dont la pochette fait très lolcat avant l'heure - pour les geeks avertis), compilation sur laquelle on trouvait cet excellent titre des norvégiens de Pépé Deluxe .

Et ça, ça devrait faire tilt dans vos oreilles aiguisées. Mais si, souvenez-vous, la période fin 90s / début 00s : le bug de l'an 2000, la défaite de Gore, Loana et ... les jeans twistés de Levi's. Et bien, c'était Pepe Deluxe qui faisaient la BO de cette pub Levi's. C'est vrai, les pubs Levi's ont apporté beaucoup d'horreurs (je suis encore crispé en repensant à Babylon Zoo) mais, 10 ans plus tard, celle-ci reste franchement jouissive.








Pepe Deluxe - Woman In Blue

Et puisqu'on est dans les vieilleries tendance WTF, j'en profite pour poster un autre titre des 90s qui me fascine terriblement, à savoir le fameux Hobo Humpin' Slobo Babe des suédois de Whale.

Démarrage grungy pied au plancher, arrivée à 25'' de la voix féminine faussement naïve sur une ligne de basse des plus groovy, refrain destroy avec de grosses guitares bien sales, les "Yeah yeah yeah" hurlés régulièrement (à 1'35 par exemple) et surtout ce "Yoooo .... Hobo Humpin' Slobo Babe" aboyé à 3' pile en fin de break.
Le défouloir parfait.








Whale - Hobo Humpin' Slobo Babe

Et j'adore par-dessus tout le clip ha-llu-ci-nant de ce titre : on nage en plein délire avec ces deux guitaristes en robe aux allures de catcheur qui font mine de s'arracher la mâchoire ou cette fille avec son appareil dentaire et sa robe Vichy qui inspecte des aisselles d'adolescents. On navigue entre Jodorowsky, Bunuel et David Lynch, c'est ahurissant - et assurément très réussi.

Si vous avez passé comme moi les années 95-2000 à vous abreuver de Boulevard des Clips sur M6 entre 1h et 4h du matin, vous vous en souviendrez sûrement.

Fuck Buttons II

mardi 25 août 2009

Haut les coeurs, Fuck Buttons est de retour.

Leur label propose en écoute depuis aujourd'hui leur nouveau single, Solar Surf, dans une version raccourcie de 3 minutes. La "vraie" chanson en durera sept de plus sur l'album à venir, Tarot Sport, prévu début octobre.

Même dans cette version "edit", on retrouve les caractéristiques de ce groupe fabuleux, à savoir des sonorités noisy et abrasives sous lesquelles des mélodies planantes et hypnotisantes affleurent. Par rapport aux titres de leur album précédent (Street Horrsing, un des mes albums préférés de 2008), le rythme semble s'être quelque peu accéléré et il manque ces voix sur-saturées complètement destroy qui m'avaient tant impressionné. Attendons de voir ce que ça donnera en version longue et sur un album - toutes ces chansons ne prenant leur vraie valeur qu'en concert ou en écoutant l'album d'un seul tenant.

Voici donc le titre en question, tout récent, brut de fonderie et fraîché du matin pêché. Vous verrez, on est toujours à cheval entre Aphex Twin et My Bloody Valentine. Je suis devenu instantanément accro.







Fuck Buttons - Surf Solar (Edit)

J'en profite pour remettre mon titre préféré de leur premier album, Sweet Love for Planet Earth, que j'avais déjà posté dans un article précédent sur Fuck Buttons. La construction est superbe : début vraiment très calme, arrivée progressives des instruments, thème-qui-tue à 4'35 et enfin ces incroyables sonorités vocales (ce n'est pas vraiment du chant n'est-ce pas ?) à 5'35. Très, très, très impressionnant.







Fuck Buttons - Sweet Love for Planet Earth

Parisiennes et parisiens de tout bord, notez dans votre carnet de bal la venue des génies de Fuck Buttons le 23 octobre au Nouveau Casino pour un franchissement orgasmique du mur du son (et n'oubliez pas vos boules Quies).

Inglourious Basterds

dimanche 23 août 2009

Quentin Tarantino, 2009

Pitch : des juifs et des nazis s'étripent sous l'Occupation.

Un premier constat s'impose : il s'agit bien d'un film de Quentin Tarantino. En dehors des habituels dialogues sur-écrits (j'y reviendrai), on retrouve un certain nombre de tics cinématographiques du réalisateur le plus sur-côté de ces 10 dernières années : histoires croisées, élimination soudaine et sans gloire de ses héros (à la Travolta dans Pulp Fiction ou De Niro dans Jackie Brown), intertitres entre chaque chapitre du film etc. Et ce gros plan de profil sur les lèvres de Mélanie Laurent se mettant du rouge à lèvres est une copie conforme de la scène de Pulp Fiction avec Uma Thurman - tout comme le mitraillage d'une voiture allemande par les basterds qui est directement issu de Reservoir Dogs. Mais ces auto-emprunts ne sont pas des défauts selon moi.

En revanche, la manière dont cette histoire multicéphale nous est racontée est beaucoup plus problématique. Jusqu'à la scène finale, dans le cinéma, à l'issue de deux heures étirées à un point où la crispation l'emporte parfois sur l'ennui, un deuxième constat m'a sauté aux yeux : Quentin Tarantino n'est pas un cinéaste intéressé par la narration mais par la situation. Il sait poser des personnages dans une pièce, il sait les faire parler (mais pas les faire vivre !) et il sait bien contextualiser sa scène. Mais, coincé comme il est dans sa volonté de faire prononcer par ses acteurs des "dialogues qui tuent", je trouve qu'il ne sait pas vraiment faire avancer son histoire.

La scène de l'auberge est pour moi symptomatique de ce travers - même si elle n'est pas la plus ratée. L'exposition des personnages et du contexte dure un temps incroyablement long, dix, quinze minutes je ne sais pas mais Dieu que c'est laborieux (et suis-je le seul à trouver que la lumière est très laide pendant toute cette scène ?). Certes, la tension monte mais à quel prix ! Au bout d'un temps infini, la fusillade, attendue, libératrice tant on s'ennuie, est effectivement brillante mais terriblement frustrante par son immédiateté. Au bout de 20 secondes à peine, l'ultra-violence retombe comme un soufflé et c'est reparti pour un dialogue qui se veut "déjà culte" (entre Brad Pitt et le survivant). J'avais ressenti la même frustration avec le premier accident de Death Proof qui nous est montré comme un flash après 45 minutes (!) de dialogues inintéressants à souhait.

En dehors de la dernière demi-heure, Inglourious Basterds est donc une succession de scènes verbeuses jusqu'à l'écœurement. Entre ces scènes, il se passe des choses, l'histoire (la petite comme la grande) avance mais rien ne nous est montré. Les ellipses au cinéma ne sont pas pour moi une mauvaise chose en soi mais je suis surpris par leur utilisation systématique. On trouve parfois cela dans les films fauchés mais là, avec les moyens dont Quentin Tarantino dispose et que j'imagine illimités, on se demande vraiment quel propos justifie ce parti-pris narratif. Peut-être se dit-il que ses dialogues sont tellement géniaux qu'ils suffisent à créer du cinéma. Mais je me répète, passons.

Christoph Waltz, qui fait une entrée dans mon TOP 5 des méchants au cinéma

Un mot sur le casting que je trouve incroyablement inégal. Si Christoph Waltz est effectivement brillantissime et n'a vraiment pas volé son Prix d'interprétation masculine, si Brad Pitt n'est en fin de compte pas si gonflant (malgré un premier quart d'heure qui m'a fait très peur), si tous les Basterds sont assez crédibles (Eli Roth en particulier), le film est pour moi fortement handicapé par des rôles franchement mal incarnés. Mélanie Laurent n'est pas tellement plus enthousiasmante que Marion Cotillard, c'est-à-dire pas enthousiasmante du tout. Diane Kruger, avec son accent allemand archi-forcé, est bien fadasse - tout comme Daniel Bruhl. Mention spéciale au projectionniste qui est d'une nullité invraisemblable pour une production de cette ampleur (ils ont été le chercher dans Plus Belle La Vie ou quoi ?).

Bref, au bout de deux heures, j'étais prêt à crier à l'escroquerie. Et puis ... un petit miracle se produit lors de la scène de l'attentat au cinéma. A ce moment, Tarantino met en veilleuse les défauts cités plus haut et en action son immense talent. Les personnages se taisent enfin, les ellipses disparaissent et on nous montre enfin une vraie, longue scène de cinéma avec de l'action, du suspense, des rebondissements, des beaux acteurs et de belles actrices, et même de la vie : on finit (enfin !) par vibrer pour ces personnages et cette histoire.

En plus de ce sens retrouvé de la narration, Quentin Tarantino nous gratifie dans cette scène finale de superbes images. La vision du tas de bobines derrière l'écran est assez exceptionnelle mais la palme de l'image la plus marquante revient à ce plan absolument hallucinant où l'écran prend feu tout en nous montrant l'image terrifiante de Mélanie Laurent annonçant aux nazis le châtiment qu'ils méritent. Les cinq secondes que durent cette image époustouflante m'ont presque fait oublier tout ce que j'ai pu dire plus haut. Et le mitraillage des nazis par les deux derniers basterds, avec force gros plans et ralentis, en devenait jubilatoire : on est vraiment dans leur camp et on a presque envie de tenir la mitraillette à leur place.

Pas moyen de trouver des images marquantes de la scène finale - en dehors de celle-ci. L'excellent Eli Roth à droite

Cette dernière scène nous fait donc sortir de la salle avec un réel sentiment d'excitation mais je ne suis pas sûr que le temps de la réflexion soit favorable à une oeuvre aussi inégale qu'Inglourious Basterds. J'ai lu aujourd'hui (dans Paris-Match !) une interview de Tarantino himself donnant son avis sur Kill Bill 2, qu'il a revu tout seul chez lui : "C'est mon meilleur film. Je l'adore." déclare-t-il avec sa modestie légendaire. Mouais. Quand il n'aura plus la grosse tête et qu'il arrêtera de se regarder et (surtout) de s'écouter, peut-être refera-t-il un film aussi brillant que Reservoir Dogs. Là, avec Inglourious Basterds, à mon humble avis, il en est encore assez loin.

Twin Peaks - Fire Walk With Me

jeudi 20 août 2009

David Lynch, 1992

Ça fait une semaine que je suis obsédé par Twin Peaks : le film, les 20 épisodes de la série et la bande originale. Je ne me lasserai jamais de répéter à quel point cette œuvre protéiforme de David Lynch, Mark Frost (co-scénariste de la série) et Angelo Badalamenti (compositeur des BO) est fondamentale dans la pop culture des ces vingt dernières années. Si on ne regarde que la série, on se rend compte qu'elle fut la première série télévisuelle moderne, ouvrant une voie, alors inédite, dans laquelle s'engouffreront plus tard tous les Lost, Sopranos, Mad Men et Nip/Tuck. Bien avant tout ce monde-là, David Lynch créait l'événement.

Mais je voudrais particulièrement parler du film qui est un peu mal-aimé, y compris parmi les aficionado de la série. Pour rappel, le film, Twin Peaks - Fire Walk With Me, a été écrit et tourné après la série, ce qui est hautement inhabituel. Ce film réussit le tour de force d'être à la fois un prequel, en racontant les derniers jours de Laura Palmer, et un sequel, en répondant, de manière parfois sibylline, à un certain nombre de questions laissées ouvertes à l'issue des deux saisons de la série.

Je reconnais volontiers que Twin Peaks est un film imparfait. L'intrigue est hachée, l'histoire est parfois incompréhensible pour les non-initiés à la série et la bizarrerie l'emporte trop souvent sur la volonté de tenir le spectateur par la main (contrairement à Mulholland Drive, dans lequel on se sent impliqué jusqu'à l'ultime seconde). Mais Twin Peaks est aussi bourré de scènes absolument stupéfiantes, qui vont au-delà d'un simple plaisir visuel.

Kiefer Sutherland & David Lynch
Chris Isaak, la méga-classe internationale

Je suis par exemple complètement fasciné par les 20 premières minutes qui mettent en scène Chris Isaak (quel sens du casting !) en special agent du FBI, d'une classe folle, jamais égalée, Kiefer Sutherland dans un rôle Docteur-Watsonien à rebours total de la série 24h et David Lynch lui-même en boss du FBI, sourd comme un pot et au discours crypto-énigmatique. L'apparition de la fille aux cheveux rouges à l'aéroport, pour donner des indices, est incroyable, du jamais vu au cinéma pour moi.

La fille en rouge de l'aéroport : une des scènes les plus intrigantes (et des plus WTF) que je connaisse

Mais je voudrais me concentrer sur deux scènes qui me hantent depuis 10 jours. Enfin, il s'agit plutôt d'une seule scène car ces deux instants se suivent. Au milieu du film à peu près, nous suivons nos héroïnes dans deux lieux de nuit distincts : le Roadhouse et le Pink Room.

The Roadhouse
Rappel : Laura Palmer mène une double vie. D'un côté, elle est une fille modèle, college queen, maquée avec le capitaine de l'équipe de foot du lycée, de l'autre, elle fume, boit, se drogue, se prostitue - à l'insu même de sa meilleure amie Donna. Un soir, celle-ci décide de suivre Laura dans une de ses sorties dépravées. La première étape de leur virée est un bar appelé The Roadhouse. On y retrouve Jacques Renault, barman et maquereau, ainsi que deux jeunes gars sans relief qui seront leurs clients pour la nuit.

La scène de l'arrivée des deux filles au Roadhouse est extraordinaire. Laura prend place avec l'assurance désespérée qui la caractérise. Donna semble être un oiseau tombé du nid dans un endroit qui la dépasse. La tension est à son comble : Donna va-t-elle ramener Laura à la raison ou va-t-elle plonger avec elle ? Et, pendant ce temps, sur la scène de ce bar de bikers et de cowboys, joue un groupe en complet décalage avec la clientèle. La chanteuse (Julee Cruise), toute de blanc/bleu éclairée, susurre une chanson d'une beauté à vous tirer des larmes et d'un calme vraiment inquiétant qui annonce, par contraste, les drames à venir.








Angelo Badalamenti - Questions in a World of Blue (feat. Julee Cruise)
Vraiment, il faut avoir un cœur de pierre pour ne pas être bouleversé par cette chanson.

Arrivée de Laura
Arrivée de Donna


The Pink Room
Après avoir ferré leurs deux bûcherons, Laura et Donna les emmènent au Pink Room, endroit terrifiant auprès duquel le Quartier Général (croisement Oberkampf-St Maur), un samedi à 6h du matin, ressemble à un salon de thé Pompadour pour vieilles bigotes rhumatisantes. Mais retournons en Amérique. Donna la novice & Laura l'habituée fument, boivent, prennent des drogues, s'embrassent, embrassent n'importe qui, se déshabillent. On sent que la catastrophe est imminente et il est difficile de ne pas vibrer pour ces deux adorables jeunes filles en espérant qu'elle ne tomberont pas plus bas.

Cet endroit cauchemardesque, saturé de lumière rouge et de stroboscope, est la négation même de toute vie. Nous y retrouverons Jacques Renault, qui, tout en pointant son index sur sa tempe à la manière d'un pistolet, déclare "Guess what? There's no tomorrow... Know why, baby? 'Cause it'll never get here."

Mais, au-delà des dialogues, des personnages et de l'intrigue, cette scène est pour moi absolument obsédante par sa musique. Sur la scène du Pink Room, nous voyons en effet cinq musiciens grimés en cowboys, masqués derrière des lunettes noires, apparemment impassibles, qui jouent la musique la plus sexuelle et lancinante qu'on puisse imaginer. Les filles se déhanchent lascivement sur ces interminables boucles blues-rock et, comme elles, je dois avouer que je suis complètement hypnotisé par cette musique de fin du monde, gavée de guitare reverb', répétitive à souhait et triste à pleurer.








Angelo Badalamenti - The Pink Room
Jamais pour moi une chanson n'avait évoqué avec autant de force la drogue, le désespoir et la dépravation.







Allez, la pêche !

Contes Immoraux

lundi 17 août 2009

Walerian Borowczyk, 1974

Dans ma quête du film érotique intelligent, qui me ferait changer d'avis sur le traitement frontal de la sexualité au cinéma, je m'attaque à l'œuvre de Walerian Borowczyk. Ce cinéaste polonais établi en France jouissait apparemment dans les années 70 d'une certaine respectabilité, voire d'une forme de caution du milieu intello. Allons voir ce que ça donne.

Premier signe encourageant : le titre du film est un clin d'œil aux Contes Moraux d'Eric Rohmer, dont Walerian Borowczyk nous propose une forme de relecture érotique. Le film présente quatre contes qui illustrent différentes facettes de l'immoralité - sexuelle principalement. Pour faire comme le Maître (ai-je déjà dit que Rohmer était le plus grand cinéaste de tous les temps ?), Borowczyk avait prévu six contes : les quatre premiers donneront ce film, le cinquième deviendra un long-métrage à part (La Bête, dont je parlerai un jour si j'ai le courage) et je crois que la sixième a été tourné plus tardivement.

Avant de tirer des conclusions sur Walerian Borowczyk ("Boro" pour les intimes), essayons de résumer chacune de ces histoires, résolument grivoises mais jamais scabreuses. En image s'il vous plaît.

1. La Marée
Pitch : de nos jours, durant l'été, deux jeunes gens partent en vélo se promener sur les galets, entre la mer et la falaise. Le garçon, 20 ans, en impose à sa jeune cousine, 16 ans, et semble commander en tout. Ainsi, il lui propose de l'initier à la fellation tout en lui donnant un cours sur l'origine des marées. La jeune fille consent. Bien bien.

A plus d'un titre, cet épisode est le plus rohmérien des quatre. On y trouve d'une part un jeune Fabrice Luchini, acteur fétiche de Rohmer (et révélé par lui), et d'autre part, le contexte de l'histoire (et non son traitement !) fait penser à des oeuvres comme La Collectionneuse ou Le Genou de Claire : l'été, les jeunes filles en fleur, l'insouciance, les jeux de l'amour ...

La Marée est peut-être mon préféré des quatre Contes Immoraux. Il faut d'abord reconnaître que cette jeune (et courageuse) actrice, Lise Danvers, qui joue la jeune cousine, est très sensuelle et extrêmement troublante. Et puis franchement, avouons-le, pour nous les garçons, qui n'a jamais rêvé à l'adolescence de connaître une jeune fille (pas une cousine, hein ! c'est péché avec une cousine) qui serait coopérative pour nous faire rentrer plus rapidement dans l'âge adulte, le tout dans un contexte estival où tout semble plus permissif ?

A côté de cette projection que fera tout spectateur masculin, les images de La Marée sont assez belles, Fabrice Luchini est (déjà !) égal à lui-même, à savoir brillant, et Walerian Borowczyk nous gratifie de plans très sensuels, au plus proche du corps de sa jeune actrice. Une petite réussite donc, malgré la trivialité du pitch.

Une des images emblématiques du film
Walerian Borowczyk assume : ce plan dure bien 5 secondes

La cousine (Lise Danvers)
Le cousin (Fabrice Luchini)


2. Thérèse philosophe
Passons rapidement sur ce deuxième conte qui n'est pas franchement palpitant et dont le pitch est des plus sommaires : Thérèse, une jeune paysanne, est punie et enfermée par sa tante dans un grenier. Seule et livrée à elle-même, elle découvre de vieux ouvrages licencieux qui trainent dans un coffre. Émoustillée par ces lectures, elle voit, dans une assiette déposée par sa tante, un ... concombre ! Ah ah, à votre avis, que va-t-elle faire avec ce concombre ?

Au-delà de ce pitch vraiment trop basique pour moi, j'ai été quelque peu rebuté par la laideur des images, ou plus précisément de la lumière. Vraiment, on a l'impression qu'un seul méga-spot blanc de 5000W éclaire l'unique pièce dans laquelle se déroule cet épisode. L'infortunée actrice en devient d'une pâleur cadavérique assez peu propre à émoustiller le spectateur. Bref, image laide, absence de dialogue, érotisme qui ne décolle pas, histoire sur-téléphonée ... non vraiment, il n'y a pas grand chose à garder de ce conte.

Tous les éléments du conte sont sur cette image, par ailleurs assez joliment composée


3. Erzsebet Bathory
Pitch : cet épisode évoque la vie dissolue de Erzsebet Bathory, noble roumaine de 17e siècle et qui est peu la cousine des Carpathes de notre Gilles de Rais national. Sa grande occupation consistait en effet à enlever des jeunes vierges de son fief pour en abuser sexuellement et les massacrer afin de prendre des bains dans leur sang - dans un but de conserver une éternelle beauté. Cette sympathique femme a vraiment existé mais, d'après Wikipédia, il semble que ces agissements soient plus de l'ordre du mythe que de la réalité. Mais bon, de frêles jeunes filles livrées en pature, du sexe, du sang, de la perversion ... il y avait tout les ingrédients pour que 'Boro' en fasse un conte immoral

Par son sujet, sa longueur, la richesse de ses décors et le nombre impressionnant de figurantes, ce conte est le plus ambitieux des quatre. Dans le rôle de la comtesse, on trouve Paloma Picasso (et oui ! la fille de), vénéneuse à souhait dans son rôle de grande maîtresse SM. J'ai toutefois été plus frappé par la beauté de la jeune actrice qui joue le rôle de ce page androgyne qui entretient avec la comtesse une relation lesbienne assez ambiguë. Pascale Christophe, si vous me lisez, qu'êtes vous devenue ? En tous cas, vous me rappelez fortement l'über-troublante Sandra Julien qui hantait Le Frisson des Vampires.

Et ce n'est pas un hasard si j'évoque Jean Rollin : le cadre du château de la comtesse, le surréalisme de certaines scènes, le fétichisme de certains plans et l'aspect très cérémonieux, lent et sensuel, de l'ensemble ne sont pas sans rappeler les films de mon réalisateur préféré de films vampiro-érotiques. Ce troisième conte, à défaut d'être totalement captivant, se laisse donc regarder sans déplaisir. Je garde.

La comtesse face à son harem de jeunes filles
La comtesse dans son bain de sang

La comtesse Bathory (Paloma Picasso) et sa servante (la très troublante Pascale Christophe)


4. Lucrèce Borgia
Pitch : nous sommes en 1498 et nous suivons les tribulations du trio que forment Lucrèce Borgia, le pape Alexandre VI (son père) et la cardinal César Borgia (son frère). Vous vous en doutez, leurs tribulations seront d'ordre licencieux. Au programme donc : amour à trois, inceste et blasphème à go-go. Là encore, merci à Walerian Borowczyk de me faire réviser l'histoire en général et la vie des papes du 15e siècle en particulier - même si il y a une part importante de fantasme populaire dans cette description des mœurs papales.

On peut reprocher à ce dernier des quatre contes son absence presque totale de scénario. Le conte se résume à la phrase suivante qui sonne comme une blague : Lucrèce, le pape et le cardinal sont dans une pièce, à quels jeux sexuels vont-ils pouvoir se livrer ? Toutefois, il faut reconnaître que cet épisode est assez élégant dans son traitement et assez juste dans son approche de la sexualité : ce n'est pas vulgaire, encore moins graveleux, mais plutôt onirique et très sensuel.

Bizarrement, le mélange de sexualité et d'objets ecclésiastiques (tiare, croix, étole, trône) ne m'a pas paru tellement blasphématoire. A la réflexion, je ne pense pas que Walerian Borowczyk soit une personne radicalement anticléricale : j'ai plutôt l'impression qu'il utilise ces symboles forts pour composer des images surréalistes et marquantes. Je comprends évidemment que ça puisse choquer mais je ne pense pas que ça soit le but recherché.


Deux images, belles comme des tableaux, qui montrent tout de même un grand talent pictural chez Borowczyk

Apparemment, on savait s'amuser au Vatican en 1498


Concluons ...
Alors, au final, tient-on enfin avec Contes Immoraux un film érotique de bonne facture ? Eh bien, courageusement, je dirais : oui et non.

Dans l'ensemble, j'apprécie le traitement souvent frontal que propose Borowczyk dans ses cadrages. Il n'a pas peur (il est décomplexé dirait notre président) de nous proposer des gros plans sur les parties des corps qui l'intéressent (poitrine, sexe, fesses), plans souvent appuyés mais jamais anatomiques comme on peut le voir dans les films pornographiques. C'est le sexe qui intéresse Borowczyk et il ne cache pas non plus cet intérêt par des détours de scénarios qui n'apporteraient rien à son propos.

Cette franchise est plutôt réjouissante et démarque instantanément Contes Immoraux des infâmes films érotiques mâtinés de comique troupier (version Max Pécas) ou d'exotisme toc (version Just Jaeckin) qui fleurissaient en France dans les années 70 - et qui n'ont d'érotique que le nom. Walerian Borowczyk est largement au dessus de la mêlée.

En revanche, je pourrais lui reprocher l'hétérogénéité de son film. A côté de deux contes assez réussis (La Marée et Erzsebet Bathory), on trouve un épisode plutôt moyen (Lucrèce Borgia) et un autre franchement dispensable (Thérèse philosophe). Au sein mêmes des contes, certaines scènes paraissent inutiles et forcées. En fait voilà, malgré toutes les qualités qu'on peut lui trouver, on peut déplorer dans ce film un certain amateurisme général, un côté un peu cheap et parfois brouillon.

Avec les mêmes matériaux de base (histoire, acteurs, décors), je n'ose imaginer le chef d'œuvre qu'un cinéaste comme Kubrick ou Lynch aurait pu réaliser. On peut encore rêver.

Pour finir, une des images les plus connues du film, extraite de Erzsebet Bathory. Toute une époque quand même !