Le Dictateur

dimanche 6 avril 2008

The Great Dictator
Charles Chaplin, 1940

Pitch : le barbier vs. le dictateur.

J'ai été élevé aux films de Chaplin, plus qu'aux Disney. Ils ont vraiment été les films de mon enfance, ceux qu'on voit des dizaines de fois, sans bien les comprendre au début, un peu comme les Tintin, mais qui s'ancrent en vous pour toujours. Je revois encore les cassettes VHS, posées jamais loin du magnétoscope, avec leurs pochettes en carton cornées et qui portaient au crayon les titres de ce qui était, pour mes frères et moi, les Big Four, les quatre chefs d'oeuvre indiscutables de Charlot, à savoir La Ruée vers l'Or, Les Lumières de la Ville, Les Temps Modernes et Le Dictateur. Le Kid et Le Cirque étaient un peu à part, on ne les avait pas en cassette et on n'avait donc du les voir que deux ou trois fois.

Je les ai tous revus régulièrement depuis l'enfance, sauf Le Dictateur, revu donc cette semaine 15 ans après mon dernier visionnage. Eh bien, sans vouloir brûler les icônes de ma prime jeunesse, je trouve Le Dictateur un ton en dessous des autres. Chronologiquement, c'est le dernier et il annonce en fin de compte les films plus tristes de Chaplin (Mr Verdoux, Les Feux de la Rame, Un Roi à New-York). Quand je dis "plus tristes", c'est un peu simpliste. Ce que je veux dire, c'est que plus Chaplin avance en âge, plus il me semble que l'émotion, la morale politique et sociale ou encore le scénario prennent le pas sur le comique, le burlesque, le slapstick. Le gag quoi.

En fin de compte, ses meilleurs films sont pour moi "ceux du milieu", des années 1925-1935, quand tous ces ingrédients, les sérieux comme les légers, sont réunis. C'est le cas des Lumières de la Ville ou des Temps Modernes, qui sont des chef d'œuvre d'invention comique et qui dégagent une émotion incroyable (Les Lumières de la Ville) ou un message politique percutant (Les Temps Modernes). Bon, ceci dit, je suis également fan hardcore de Le Cirque, qui ne contient que du gag visuel pur et qui est très léger.

La dactylo au look très 70s de Hynkel.

Dans Le Dictateur, le message politique est évidemment omniprésent. Les nazis, les juïfs, Hitler ... tout cela est quand même assez tendu. Quand des scènes "comiques" s'installent, elles paraissent empruntées, ampoulées, presque forcées. Et donc pas très drôles, malgré le génie de Chaplin. En fait on a l'impression qu'il se sent encore obligé de faire le clown alors qu'il a envie de passer à autre chose, surtout sur un tel sujet. Les scènes avec le pseudo-Mussolini sont par exemple assez lourdes. En revanche, je ne peux me retenir de rire quand Chaplin-Hynkel entame ses discours haineux dans sa novlang : on ne comprend rien à cette langue, qui est une pure invention, et Chaplin fait passer toute sa puissance comique dans les sonorités, le regard, l'attitude corporelle, les mouvements de bouche. Un peu comme la scène de danse des Temps Modernes. En voyant ça, on peut raisonnablement mettre en doute la réussite de son passage du muet au parlant. Oui je crois que c'est ça en fin de compte, ce qui me plaît dans Le Dictateur c'est tout ce qui pourrait venir d'un de ses films muets antérieurs.

Ah et puis tiens je trouve que Paulette Godard n'est pas franchement mise en valeur dans Le Dictateur. Je l'y trouve très quelconque alors qu'elle est absolument époustouflante dans Les Temps Modernes, avec son regard de bête traquée, inoubliable.

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