Suspiria

mercredi 28 janvier 2009

Dario Argento, 1977

J'ai appris deux termes de cinéma grâce à Suspiria (et à Wikipedia) : giallo et slasher. Giallo est le nom donné en Italie aux romans policiers - en raison de la couleur de leur couverture (jaune littéralement). Par extension, ce terme désignera les films issus d'un mouvement cinématographique italien des années 70, mélange de fantastique, de policier, d'horreur, voire d'érotisme. Les deux cinéastes les plus illustres de ce mouvement sont apparemment Mario Bava et Dario Argento. Un slasher est quant à lui un sous-genre scénaristique du film d'horreur dans lequel un tueur (psychopathe en général) assassine un par un les personnages de l'histoire. J'avais déjà vu des slasher sans le savoir : Psychose, Scream ou Souviens-toi l'été dernier par exemple.

Bref, Suspiria, qui est un slasher, est le premier film de Dario Argento (et donc le premier giallo) que je vois. J'ai lu ici ou là que Suspiria était considéré comme l'œuvre maîtresse d'Argento. Je n'ai pas vu les autres mais je dois effectivement avouer que Suspiria est un film parfaitement maîtrisé et extrêmement impressionnant, même s'il dépasse parfois la limite de ce que je peux supporter, graphiquement, au cinéma.

Pitch : Suzy (Jessica Harper), une jeune et frêle new-yorkaise, se rend à Fribourg en Allemagne en tant que pensionnaire dans une académie de danse réputée. Le climat est très vite plombé car dès le premier soir, deux étudiantes sont sauvagement assassinées par un tueur mystérieux, dans une scène absolument époustouflante de virtuosité esthétique. Les soucis vont alors s'accumuler : une pluie de larves déferlent sur les pauvres pensionnaires, le prof de piano aveugle (qui ressemble étrangement à Gilbert Montagné) se fait égorger par son chien et une camarade de Suzy meurt atrocement en tombant la tête la première dans une pièce remplie de fil de fer barbelé (c'est bien connu, dans les toutes les écoles de danse, il y a au grenier une pièce remplie de fil de fer barbelé). Mais Suzy, bien que malade, anémique, et (mal) soignée avec une étrange potion qui n'est autre que du sang (tiens c'est le même pitch que Fascination de Jean Rollin), Suzy donc, est bien décidée à ne pas se laisser faire et à mener l'enquête pour sauver sa peau. En résumé, Suspiria, c'est un peu la rencontre de la Star Ac' et de Halloween.

Ce film, au scénario somme toute assez convenu, est avant tout un festival visuel et sonore.

Un mot rapide sur la bande-son, anxiogène à souhait, signée par les italiens de Goblin. Ce groupe a collaboré maintes et maintes fois avec Argento. Par ses compositions instrumentales et angoissantes, ce groupe a acquis un statut "culte" et a même été remis à la mode par nos petits français de Justice. Leur morceau Phantom utilise en effet un sample de la bande-originale de Tenebre (de Dario Argento toujours).







Goblin - Tenebre








Justice - Phantom


Mais le vrai point fort de Suspiria est son incroyable univers visuel : décors, lumière et omniprésence du sang. Et comme des images en disent plus qu'un long discours, voici quelques photographies particulièrement saisissantes.

Les décors
Avant toute chose, Suspiria est frappant par le cadre dans lequel il se déroule. Argento nous propose un mélange inédit d'Art Nouveau, d'Art Déco et de baroque. Les couleurs sont criardes, les proportions grandioses. Tous ces décors, particulièrement soignés et hautement inhabituels, contribuent à l'atmosphère étrange qui s'installe dès la première minute du film.
Le décor le plus impressionnant du film : l'appartement dans lequel a lieu le premier meurtre

Même décor, avec une fille à travers la verrière
Même décor, même fille, pendue cette fois



Le fronton de l'école de danse, rouge
Le hall d'entrée, bleu



Couloir Art Déco, porte Art Nouveau
Le bureau de la directrice



La lumière
Dario Argento utilise de nombreux projecteurs aux couleurs très marquées (rouge, bleu et vert principalement) qui sont comme des couches supplémentaires aux somptueux décors. D'après moi, ces jeux de lumière, complètement irréels et artificiels, fonctionnent comme des mises en valeur de certains éléments du plan : un visage, une silhouette, une vitre. L'univers visuel qui en résulte est en tous cas très particulier et ne ressemble à rien de connu.

Le dortoir des filles avec cet étonnant éclairage rouge qui autorise de jolis jeux d'ombres chinoises

Arrivée de Suzy en taxi en lumières rouge, blanche et bleue
La copine de Suzy, toute verte et toute effrayée



La chambre de Suzy
La même copine, après avoir traversé la chambre aux barbelés



Le sang
Enfin, Dario Argento n'hésite pas, tout au long du film, à nous montrer de grande quantité de sang mais celui-ci a une couleur complètement irréelle, qui penche vers le rose ou le mauve. Voilà qui est intéressant : ce n'est plus du sang qu'on voit, c'est une espèce d'abstraction (ou d'idée) du sang. Tel un peintre, Argento se sert de cette couleur complètement artificielle pour appliquer la dernière couche de couleur sur les vrais tableaux que sont les plans de ce film. Encore une fois (j'en ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog), je suis toujours friand de cette démarche de déformation de la réalité dans un but esthétique. Non au réalisme, oui à la poésie ! Il me semble avoir lu quelque part que les réalisateurs de films d'horreur étaient les derniers poètes du cinéma. Je ne sais plus si c'est une blague mais je comprends assez bien (et partage) ce point de vue.

Ce sang est si irréel et ces stries si parallèles que ce plan en devient presque abtsrait

Le sirop contre l'anémie dont Suzy se débarasse
La fille à la verrière toujours



Ca me rappelle l'homme à la tête fendue de Lost Highway
Même le vernis à ongle est de ce rouge Suspiria




En revanche, Suspiria m'a permis de définir une limite de ce que je peux supporter à l'écran. Dans la scène du premier meurtre, filmée par ailleurs magistralement, Argento nous inflige des gros plans de couteaux s'enfonçant dans un cœur qui bat encore. Là, c'est un peu trop graphique et trop explicite pour moi. Ce plan est pourtant encensé par les fans d'Argento. Je ne prends absolument aucun plaisir à voir de la chair se faire découper en gros plan et j'avoue que je détourne le regard.

Je ne pense donc pas que je poursuivrai mon odyssée du cinéma bis dans des films ouvertement gore. Même si je peux être séduit par l'aspect esthétique du sang, je préfère toujours la suggestion à l'explicitation totale, de la même manière que l'érotisme m'intéresse alors que la pornographie m'ennuie.

Ce bémol mis à part, Suspiria est un film époustouflant, haletant, totalement maîtrisé et dont l'inventivité visuelle n'a pour moi pas d'équivalent. Une parfaite combinaison entre l'épouvante et le superbe.

Suzy (Jessica Harper), perdue seule dans ce lieu maléfique

Bon et moi la prochaine fois je parlerai de "Oui-Oui et la Gomme Magique" parce que là je commence un peu à avoir la nausée à force de voir, revoir et manipuler ces images.

Edit (août 2009) : de l'eau a coulé sous les ponts depuis et j'ai refait un article sur ce film - cliquez ici.

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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Un de mes films préférés... tout simplement !!
Très bel article, ton blog est très esthétique (mieux que le support skyrock) mais si tu veux toutefois y jeter un oeil je te laisse le mien, largement moins bien que le tiens et très bordelique héhé http://cine-de-genre.skyrock.com/


bonne continuation, ça fait plaisir de voir quelqu'un qui va chercher un peu partout dans le ciné de genre, de Franco à Argento, c'est pas si courant!

bye

Dario.S

Marivaudage a dit…

Merci pour ce commentaire et content de voir qu'il y a au moins un "initié" qui passe par ici

Je me suis attardé sur ton blog qui m'a l'air nettement plus pointu même si j'avoue que je ne suis pas sûr d'avoir envie de regarder Cannibal Holocaust

Mais tu as raison, il faut chercher, chercher, chercher.

Anonyme a dit…

je n'ai pas encore regardé le film mais d'aprés ce que je remarque comme notes ça doit être sensationnel et captivant

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